Le pouvoir d’Etat, singulièrement sur le continent, est, à l’usage, comme une drogue. Un stupéfiant dont la consommation prolongée et le vertige des atours et des attributs font dériver les moins préparés vers une espèce d’addiction à s’y cramponner. Que la drogue rende dingues ceux qui dirigeaient hier, d’accord, mais que ces derniers en fassent le commerce serait inacceptable. Or, de la drogue a été trouvée chez des personnalités de l’ancien régime fin août dernier. Il ne faut surtout pas que ce dossier soit occulté par nos procureurs.
Dans notre pays, l’arrivée aux affaires d’Albert Bernard Bongo, fin 1967, à la suite du décès du président Léon Mba, a d’abord paru à certains naïfs comme une simple parenthèse transitoire qui devait rapidement se refermer dès que des politiciens plus aguerris de cette époque-là, notamment Jean-Hilaire Aubame Eyeghe, Vincent-de-Paul Nyonda ou Paul-Marie Gondjout, auraient fini de prendre la mesure d’un parachuté de l’ex-colonisateur français. Erreur !
Le natif des plateaux batéké a duré une quarantaine d’années au pouvoir qui était devenu pour lui une drogue dont il ne savait plus se passer. Et si la mort n’avait pas eu raison de l’homme en juin 2009, il est à peu près certain qu’il serait encore au pouvoir dans ce pays à 89 ans. Un peu plus jeune que son « frère et ami » Paul Biya du Cameroun que la drogue du pouvoir absolu pousserait à briguer un ultime mandat, vivant, avant d’aller se reposer pour l’éternité quelque part dans l’enceinte du palais d’Etoudi ou dans son fief natal de Mvomeka, dans la région de Sangmelima.
Si Dieu n’en avait pas décidé autrement il y a maintenant 15 ans, celui qui, après avoir fumé on ne sait trop quoi, avait menacé d’effacer le Gabon de la carte de l’Afrique si jamais on s’attaquait à son pouvoir, serait encore là à encadrer des chefs d’Etat de l’Afrique centrale un peu plus jeunes qui l’auraient rejoint dans le cercle privilégié des dictateurs, drogués de pouvoir, qui s’accrochent aux affaires depuis plus de trois décades à Brazzaville et à Malabo. Ces collègues auront-ils, comme lui, l’avantage de laisser la progéniture leur survivre à la tête des pays respectifs comme on leur en prête l’intention ? Seul l’avenir nous le dira. Même si, de Malabo à Brazzaville, on gagnerait tout de même à tenir compte de ce qui s’est passé à Libreville le 30 août dernier. Ce jour-là, en effet, les forces de défense et de sécurité du Gabon avaient investi les principales habitations du groupuscule qui tenait le pays sous l’emprise, aussi bien du pouvoir de la drogue que de la drogue du pouvoir depuis pratiquement les quatorze ans qu’Ali Bongo Ondimba venait de passer à la tête du Gabon. En chef de cartel, diminué comme il l’était ? Probablement pas.
Ce qui, cependant, s’est révélé constant, à la suite de la découverte des militaires, c’est qu’il circulait bien, dans les milieux de la bande immédiatement envoyée à Sans-famille, de la drogue et des stupéfiants du…pouvoir déchu.
Dans sa première intervention, le porte-parole du CTRI, Ulrich Manfoumbi-Manfoumbi, avait été très explicite en énumérant les griefs qui devaient valoir à Nour-Ed-Din Bongo Valentin et à sa clique de se retrouver en prison. Alors que des personnalités de premier plan du régime déposé, comme la vice-présidente de la République et le chef du gouvernement, n’étaient pas inquiétés.
Mais pourquoi donc, lorsqu’elle s’est saisie du dossier, la justice gabonaise, par la voix du procureur de la République, Roponat, a-t-elle choisi d’occulter la charge gravissime de « trafic de stupéfiants » ? Pourquoi ?
En son temps, dans une de nos livraisons de cette période-là, nous l’avions relevé et dénoncé, considérant que, dans le cas d’espèce et dès lors que de la drogue ou des stupéfiants, qui font des ravages dans notre jeunesse, avaient été trouvés dans l’un ou des domiciles de ces délinquants criminels en col blanc, on ne pouvait plus éluder l’infraction qui ne pouvait, au pire des cas, qu’être requalifiée. On serait ainsi passé du trafic à la possession ou à l’usage de ces produits prohibés. Autant d’infractions inégalement appréciées, du point de vue judiciaire, mais toujours très fortement sanctionnées par les juges dans un Etat de droit.
En plus des communications du porte-parole du Comité pour la transition et la restauration des institutions, c’est la rediffusion, la semaine dernière, par notre confrère Vox Africa, de l’interview de la ministre de la Communication, Laurence Ndong, qui nous fait remettre au goût du jour cette question de l’occultation des charges graves de trafic de drogue par la young team. La porte-parole du gouvernement affirme dans ce document que de la drogue avait été bel et bien retrouvée chez ces gens-là. De l’argent liquide aussi. Ainsi que des lingots d’or, précisément chez Sylvia Bongo Ondimba.
Il faut donc que la justice gabonaise, sous la transition, fasse correctement son travail au service du peuple gabonais tout entier et singulièrement de sa jeunesse qui doit être préservée de l’usage de la drogue dure que les anciens bandits du régime faisaient certainement entrer dans le pays pour fragiliser et continuer à appauvrir les plus faibles de nos compatriotes.
Nkwara Mendzime