Depuis quelques semaines déjà, une tracasserie supplémentaire s’est ajoutée au quotidien déjà très compliqué des populations gabonaises : l’approvisionnement en gaz butane. Conséquence, lorsqu’on a la chance d’en trouver chez le voisin du quartier, le prix double ou triple. A la Société gabonaise d’entreposage des produits pétroliers, on jure, avec un humour particulier, qu’il n’y a pas pénurie. A la Goc, c’est un silence de cimetière.
A Libreville, où l’on croit encore à l’existence du luxueux produit, il n’est pas rare de croiser des compatriotes, bouteille de gaz sur la tête, en main ou en brouette, faisant le tour des stations et des détaillants pour espérer acheter un précieux produit devenu subitement rare. D’autres encore embarquent des bouteilles vides dans les voitures, avec les risques que cela comporte, dans l’espoir, bien entendu, de tomber sur une éventuelle livraison de ce produit domestique dont aucun foyer ne peut se passer aujourd’hui. Pire, c’est avec une bonbonne sur la tête qu’on peut apercevoir des riverains errant de station en station, sous une chaleur accablante, à la recherche d’un précieux produit gazier pourtant produit localement.
Mutisme et déni de la réalité
Partis du coté de la Société gabonaise d’entreposage des produits pétroliers (SGEPP) pour avoir quelques explications, nos journalistes se sont retrouvés face à un mur. Aucun responsable de cette entreprise, censée assurer les commandes et les livraisons auprès des distributeurs, n’a voulu édifier les populations sur les raisons de cette pénurie agaçante. D’ailleurs, un cadre de cette boîte para-étatique, en demandant au gardien de nous faire remplir une demande d’audience, a affirmé, depuis le téléphone de son bureau, qu’il n’y a aucune pénurie. Blague ou cynisme, on peut le comprendre, lui n’achète certainement pas le gaz.
Gestion des commandes et exportation du butane
Toutefois, au passage, on nous a appris, en off, que la commande des produits pétroliers est une tâche désormais dévolue à Gabon oil company (Goc) et que la pénurie pourrait être liée à la gestion de ces commandes. Nous avons cherché à recouper cette Information auprès de la société sus-citée, mais sans grand succès. Comme à la SGEPP, la Goc nous a fait tout bonnement remplir une demande d’audience sans lâcher un traître mot sur la rareté du gaz butane.
Si, du côté des stations-service, où la pénurie est bien reconnue, on pointe aussi du doigt la chaîne d’approvisionnement située en amont, il en ressort de nos investigations qu’elles portent, elles aussi, leur part de responsabilité.
En effet, il ressort de notre enquête que les distributeurs locaux, exception faite de Petro Gabon, se tournent de plus en plus vers les marchés voisins où le prix du butane leur apparaît plus attractif, à l’exemple de la Guinée Équatoriale où la bonbonne de butane coûte 15 000 Fcfa.
Au moment où notre pays a arrêté la péréquation des produits pétroliers, il semble impérieux que nos dirigeants trouvent des mécanismes fiscalo-douaniers, par exemple, qui protégeraient le consommateur gabonais. Mais qui, de ces dirigeants, peut lever son doigt et dire qu’il se soucie vraiment des tracasseries de ses compatriotes ?
Des livraisons au compte-goutte
Il y a quatre jours quelques détaillants de Pétro Gabon ont réussi à se faire livrer quelques bouteilles de gaz dans certains quartiers de Libreville. La rareté du produit a fait en sorte que toutes les bouteilles livrées aient tout de suite été happées par tous ceux qui, ces derniers temps subissaient, cette pénurie. Mieux, il y en a qui achetaient trois, voire quatre bouteilles du coup.
Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer au quartier un compatriote qui dit qu’il a de la réserve, mais qu’il faut débourser 10 000 Fcfa pour cèder une de ses bouteilles. Pire, à Franceville, par exemple, la bouteille se vendait et s’achetait la semaine dernière à 8 000 Fcfa. Dans d’autres provinces, même à Lambaréné, première capitale provinciale la plus proche de Libreville, trouver une bouteille de gaz est devenu un luxe…Et, comme à leur habitude, nos autorités cultivent la loi de l’omerta.