Tout en notant que « les conditions macro-économiques s’améliorent lentement au Gabon, mais la reprise demeure fragile », le FMI a décaissé, le mercredi 1er août dernier, la somme de 100,2 millions de dollars, soit l’équivalent de 56 milliards de Fcfa au Gabon dans l’appui au plan d’austérité que mène actuellement la junte.
En français facile, le FMI reconnait que le régime n’avance pas dans les réformes structurelles attendues, mais lui donne quand même l’argent demandé. Mais dans quel but ?
Des résultats économiques décevants
Rappelons, d’abord, que le 16 juin 2017, le FMI avait approuvé un prêt sur 3 ans de 361,5 milliards de Fcfa au Gabon au titre de son mécanisme élargi de crédits (MEDC). Avec la tranche accordée ce mercredi, ce sont, jusqu’ici, 172,87 milliards (300,7 millions de dollars) qui ont été versés au Gabon. Des milliards qui sont mis à la disposition de la junte et dont on ne ressent nullement les effets aussi bien sur le plan économie que social. En effet, le seul chantier dont la relance a été annoncée jusqu’ici est celui de l’axe PK 6-PK 12 sur un linéaire qui doit pourtant atteindre Ntoum. En matière d’énergie, les projets de barrage hydro-électrique de FE 2 (Woleu-Ntem), de Ngoulmedjim (Estuaire) ou de l’Impératrice (Ngounié), ou encore l’extension du réseau d’électricité et d’eau à Libreville sont mort-nés.
Pour la création immédiate et massive d’emplois, les logements sociaux et d’autres projets porteurs comme la modernisation des équipements douaniers pour accroître les recettes fiscales à court terme, le fonds de garantie des PME (financement des projets industriels, de création de biens et services en général), l’accélération de l’école des métiers du bois à Booué pour former les jeunes dans des secteurs où l’employabilité est concret, sont relégués au calendes grecques. Des projets qu, pourtant, auraient dû bénéficier de ces fonds pour avoir un effet réel sur l’emploi et booster véritablement la croissance économique.
Quand la politique se mêle de la finance…
A ce stade, la junte ne peut valablement justifier l’utilisation des 172, 87 milliards de Fcfa que dont elle a déjà bénéficié du FMI et auxquels il faut adjoindre les prêts de l’AFD (49 milliards en mai dernier). L’une des réalités est que les dettes s’enchainent pour rembourser les précédentes. C’est d’ailleurs ce que l’agence de notation Moody’s a relevé le 08 juin dernier en baissant encore plus la note souveraine du Gabon (de B3 à Caa1). Le peu d’argent qui reste est sécurisé pour payer les fonctionnaires vu que les recettes fiscales et douanières ne permettent pas de couvrir la masse salariale mensuelle. Le reste sert au partage que Boa orchestre avec ses amis en se payant des voyages personnels coûteux.
Le FMI ne joue pas franc jeu. On sait, pour le moins, que la France appuie les demandes de crédit du Gabon auprès du FMI. Ce n’est donc pas un hasard si le député français de la France insoumise (FI), Luc Mélenchon, a récemment demandé au gouvernement français de justifier les prêts budgétaires accordés au Gabon et, partant, sa politique de soutien au gouvernement de putschistes de Libreville. Les entreprises françaises au Gabon sont les grands bénéficiaires de ces prêts (AFD et FMI) parce qu’elles sont les seules que la junte paie en contrepartie de l’appui que la France apporte au conseil d’administration du FMI à Washington.
Un soutien qui justifie, au-delà de tout, ces prêts qui sont accordés sans respect des conditionnalités alors que le FMI lui-même juge décevants les résultats des réformes en cours et les « dérapages budgétaires », d’une part, et, d’autre part, quand on sait que les indicateurs macro-économiques du Gabon sont toujours alarmants, pour ne pas dire au rouge : croissance, endettement, création d’emplois, climat des affaires, investissements étrangers, arriérés de dettes intérieures (310 milliards de Fcfa), corruption outrancière. Ce prêt représente 215 % de la part d’actions qu’a le Gabon au FMI. C’est dire qu’il a fallu plus qu’un simple dossier, mais un vrai coup de pouce pour pousser le conseil d’administration du FMI à débloquer cette tranche. En mai dernier, le bilan de mise en œuvre du Plan de relance économique (Pre) fait par le PM de la junte, le Cuspodien Issoze Ngondet, a établi en filigrane le constat d’un échec à mi-parcours.
En effet, comment comprendre qu’un pays qui stoppe son budget en plein exercice pour basculer dans une gestion opaque des crédits (2 000 milliards de Fcfa dans le flou) puisse continuer à bénéficier des prêts du FMI ? D’autres dérapages budgétaires sont signalés ici et là à l’instar de la création en pleine année budgétaire d’un Fonds d’initiative départementale (50 milliards) sans qu’on ne sache clairement l’origine des ressources qui vont l’alimenter.
Un pactole qui va financer les élections de fin d’année
Les élections politiques sont chiffrées à 36 milliards de Fcfa alors qu’aucun investissement social ou structurant nouveau n’est annoncé pour la formation des jeunes ou la création d’entreprises. Les priorités de l’agenda politique de la junte sont ailleurs. Une chose est sûre, c’est que ce pactole va servir à l’organisation de ces élections législatives couplées aux locales. Sous peu, la junte devra annoncer la tenue de ce scrutin en Conseil des ministres étant entendu qu’elle a déjà reçu le virement du FMI.
Exit les considérations économiques et sociales !