Pour Barro Chambrier, une période de transition s’impose. Une prise de position qui, dixit Chambrier, résulte non seulement « d’une absence de leadership au sommet de l’Etat, mais également d’une profonde division de la Nation causée par le nihilisme du pouvoir en place avec, pour conséquence, en autres, un climat politique des plus délétères ». Nous savons tous qu’en filigrane, le patron du Rassemblement pour la patrie et la modernité sous-tend la problématique de la vacance du pouvoir.
Mais tout le problème est là, car cette vacance est encadrée légalement par l’article 13. Premier écueil, l’intouchabilité d’Ali Bongo Ondimba qui s’est vue renforcée, en 2018, par la Cour constitutionnelle en cet alinéa : « En cas d’indisponibilité temporaire du président de la République pour quelque cause que ce soit, certaines fonctions dévolues à ce dernier, à l’exception de celles prévues aux articles 18, 19 et 109, alinéa 1er, peuvent être exercées, selon le cas, soit par le vice-président de la République, soit par le Premier ministre, sur autorisation spéciale de la CC saisie par le Premier ministre ou un dixième des membres du gouvernement, chaque fois que nécessaire ». La même Cour, prévoyante, autorisait « le vice-président de la République à convoquer et à présider un Conseil des ministres qui portera exclusivement sur l’ordre du jour joint à la requête du Premier ministre ».
Aujourd’hui, nous ne sommes même plus en « indisponibilité temporaire ». Ali Bongo Ondimba a retrouvé tous ses moyens. Et, au grand dam d’un éventuel nouveau vice-président de la République, il préside, lui-même, les Conseils des ministres. Une normalisation saluée et vantée par le pouvoir, mais à laquelle Barro Chambrier n’adhère pas : « Nous n’avons pas le droit de nous mentir à nous-mêmes. Nous devons reconnaître que rien ne va plus. Que notre pays va mal ». D’où son appel à une transition : « Le moment est venu de montrer que le Gabon passe avant tout et qu’en tant qu’élite nous sommes conscients des enjeux de l’heure et des défis à venir… Je pense qu’il est nécessaire de trouver, sans plus tarder, des voies et moyens pour sortir de la situation politique actuelle pleine d’incertitudes et qui, si nous n’y prenons garde, risque à terme de déboucher sur une impasse » Raison pour laquelle, explique-t-il : « A cet égard, nous sommes un certain nombre de personnes à considérer que, dans la situation actuelle, une période de transition s’impose ». Alors que nous sommes très loin du cas de « l’empêchement […] déclaré définitif par la Cour constitutionnelle », qui débouche légalement l’alinéa suivant : « le scrutin pour l’élection du nouveau président a lieu, sauf cas de force majeure constaté par la Cour constitutionnelle, trente jours au moins et soixante jours au plus après l’ouverture de la vacance ou de la déclaration du caractère définitif de l’empêchement ». Et la boucle est bouclée. Question : comment Barro Chambrier et « un certain nombre de personnes » parviennent-ils à la transition ? Ils ont annoncé devoir prendre une initiative dans les tout prochains jours. Le patron du RPM en a même dévoilé le contenu en précisant qu’elle ira « dans le sens d’échanges approfondis visant à proposer de façon consensuelle un nouveau cadre juridique et institutionnel qui corresponde mieux à notre histoire, aux exigences du 21è siècle et aux aspirations profondes de notre jeunesse » et tutti quanti…
Le Gabon a connu trois tentatives de dialogue avec l’Etat. Non encadrées par la Constitution : 1990 à la Conférence nationale, 1994 pour les Accords de Paris et 2017 avec les Accords d’Angondjé. Les deux premiers se sont déroulés à des périodes où le pouvoir gabonais se trouvait en position de faiblesse : recul mondial du monopartisme en 1990 et la puissance du parti bûcheron du père Mba Abessole en 1993. Ce sont donc des conditions extra-légales qui ont occasionné ces dialogues qui, malheureusement, n’ont ouvert aucune transition.
L’opposition divisée en 2016 n’a pu peser de tout son poids sur les négociations d’Angondjé. Et on se rappelle bien que lors du dialogue pour l’alternance de Jean Ping ,où l’ancien RHM, actuel RPM, co-présidait le bureau dudit dialogue pour lequel « un seul objectif a été retenu. Il se résume à l’installation de Jean Ping à la présidence de la République ». A cette fin, une exigence, un préalable : « Le refus de tout dialogue avec Ali Bongo Ondimba ».
Curieusement, aujourd’hui, ce sont les jusqu’auboutistes d’hier, après avoir mené Jean Ping en « résistance » et, finalement, l’avoir esseulé, au bout du compte, qui s’empressent, aujourd’hui de prôner, au nom d’un Gabon qui « n’appartient à aucun clan, à aucun groupe ni à aucune famille. Nous appartenons d’abord à un ensemble appelé Nation et non uniquement à des communautés ethnosociologique » la nécessité d’un dialogue.