A la faveur du Conseil des ministres du mardi 23 mars 2021, par visio-conférence, le gouvernement a annoncé des modifications fortes du code civil, touchant ainsi le statut de la femme au sein de la famille dans une société où les valeurs traditionnelles sont conservatrices, mais les violences faites aux femmes bien réelles. Le gouvernement a-t-il vraiment « touché » là où il faut pour faire évoluer les mentalités ? N’oublions pas que c’est l’homme qui épouse la femme et non le contraire. Mieux, dans nos traditions et dans la société moderne, le mariage garde un caractère sacré. Que le régime aille plus loin en supprimant la dot. Alors on parlera d’égalité de sexe…
Les mesures fortes du nouveau code civil
Datant de la période juste après l’indépendance, le code civil gabonais, notamment dans ses dispositions sur le statut de la femme au sein de la famille, a été modifié en profondeur. Le projet de modification, adopté le 23 mars dernier, apporte des amendements aux fins de promouvoir l’égalité entre les sexes, notamment la suppression de l’obligation d’obéissance de la femme ; la suppression du rôle du mari en tant que chef de famille, mais l’exercice commun de cette fonction avec l’homme ; la suppression du monopole de l’administration légale des biens d’un mineur non émancipé par le père pour le remplacer par un exercice commun ; la suppression du choix de la résidence familiale réservé au mari pour en faire un choix commun. En lisant ces modifications, l’on croirait d’emblée que le code civil était jusqu’alors totalement formé contre la femme. L’analyse point par point montre pourtant le contraire.
En matière d’obéissance de la femme, le code civil gabonais fait reposer la stabilité du ménage sur deux principes incombant obligatoirement à l’un et à l’autre des conjoints. L’article 252 dit clairement : « par l’effet du mariage, le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son conjoint. Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance ». Ainsi rédigé, on ne saurait faire croire à la communauté internationale que la seule mention sur « l’obéissance de la femme », isolé dans le contexte de cet article, est synonyme de violence ou de maltraitance, encore moins de déni des droits de la Gabonaise au sein de la famille.
La famille en tant que la cellule de base de la société ne peut fonctionner sans chef
Concernant la suppression du rôle du mari en tant que « chef de famille », il faut d’abord rappeler que chaque institution (sociale, politique, religieuse) a nécessairement besoin d’un chef. La famille, en tant que la cellule de base de la société, ne peut fonctionner sans chef. La réforme préconisée par le gouvernement entend supprimer cela pour le remplacer par un « bicéphalisme » dans l’exercice de l’autorité au sein de la famille. Soit l’on considère que le mari est, en tant que chef, dangereux, égoïste et autoritaire, d’un côté et, de l’autre, des femmes toutes irréprochables et que de là serait la source des violences faites aux femmes, soit l’on considère qu’il y a juste une volonté de renforcer la place de la femme dans la prise de décision au sein de la famille. Dans un cas comme dans l’autre, il ne faut isoler la seule mention « mari chef de famille », mais de lire et saisir l’esprit de l’article 253. Il dispose, en effet, que « le mari est le chef de famille. Il exerce cette fonction dans l’intérêt commun du ménage et des enfants. La femme concourt, avec le mari, à assumer la direction morale et matérielle de la famille et la prospérité de celle-ci, à élever leurs enfants et à préparer l’établissement de ces derniers. La femme remplace le mari dans ses fonctions de chef de famille si celui-ci est frappé d’incapacité ou se trouve en état d’absence ou s’il est condamné pour abandon de famille. Il en est de même si le mari abandonne volontairement la vie commune ou s’il est hors d’état de manifester sa volonté en raison de son éloignement ou de toute autre cause ». Le mari est contraint par la loi à exercer son autorité dans l’intérêt de sa femme et de ses enfants. Mieux, la femme a la possibilité, au-delà du cadre coutumier, d’aller devant la justice pour que son mari soit rappelé à ses devoirs envers elle et les enfants. Mieux encore, la femme a aussi la possibilité de « remplacer » son mari en cas d’abandon de la famille, de la vie commune, d’éloignement ou autre cause. Donc, le code civil gabonais, en l’état, n’a pas de problème avec la femme en matière de « chefferie du ménage ».
Plus clair encore, l’article 257 dispose : « La femme a, sous tous les régimes, le pouvoir de représenter le mari pour les besoins courants du ménage et d’employer pour ces besoins les fonds qu’il laisse entre ses mains. En application du précédent alinéa, la femme peut, sur sa seule signature, faire ouvrir un compte courant spécial pour y déposer ou en retirer les fonds réservés pour les besoins du ménage. L’ouverture de ce compte doit être notifiée par le dépositaire au mari et la balance de compte ne peut être débitrice qu’en vertu d’un mandat exprès de ce dernier ». Donc ici, on voit bien que la femme est déjà « cheffe » de famille aux côtés de son mari.
S’agissant de la suppression du monopole de l’administration légale des biens d’un mineur non émancipé par le père pour le remplacer par un exercice commun, elle découle tout simplement du principe posé à l’article 253 selon lequel l’homme est le chef de famille. En suivant logiquement l’explication de l’équilibre rationalisé de cet article, on en vient aux mêmes résultats : la femme peut aussi « remplacer » l’homme dans cette fonction de tutelle des biens d’un mineur non émancipé.
A propos de la suppression du choix de la résidence familiale réservé au mari pour en faire un choix commun, l’actuel article 254 dispose que « le choix de la résidence de la famille appartient au mari ; la femme est obligée d’habiter avec lui et il est tenu de la recevoir. Lorsque la résidence fixée par le mari présente pour la famille des dangers d’ordre physique ou d’ordre moral, la femme peut être autorisée par le tribunal à avoir pour elle et ses enfants une autre résidence. Les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille ni des meubles dont il est garni. Celui des époux qui n’a pas donné son consentement à l’acte de disposition peut en demander l’annulation ; l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte sans pour autant être intentée plus d’un an après la dissolution du régime matrimonial ». Cet article est si bien écrit qu’on se demande si, au final, l’homme « impose » réellement à la femme le choix de leur résidence ou lieu d’habitation. Dans la pratique, cela se passe-t-il d’ailleurs ainsi ? L’esprit de cet article est de toujours donner au mari la responsabilité de pourvoir à titre principal aux besoins de sa famille, dont le logement. Si sa femme n’est pas d’accord, elle dispose du cadre coutumier reconnu par le code civil pour s’y opposer et, au besoin, du recours au juge pour refuser pour elle seule ou avec ses enfants le la résidence voulue ou choisie par son mari. Il n y a donc pas socialement et juridiquement un problème à ce niveau.
Le gouvernement s’est manifestement trompé de piste…
La problématique mondiale et gabonaise est de vouloir lutter contre les violences, les inégalités basées sur le genre et qui touchent la femme. La réponse, tapageusement proposée par le gouvernement, ne règle aucun problème dans ce sens. La révision du code civil, validée le 23 mars dernier, n’est pas celle attendue. Bien au contraire, elle va créer des confusions de rôles et de genres, voire l’instabilité dans certains foyers. Mieux, en supprimant en amont ces dispositions, il faut que le gouvernement soit cohérent en supprimant aussi en aval toutes les dispositions qui donnent à l’homme plus de charges que la femme. L’égalité promue ne peut être source d’inégalités pour l’autre sexe. La République promeut l’égalité de tous devant la loi. Dans ce sens, oui au renforcement des droits de la femme et non à l’affaiblissement ou au déni des droits et charges de l’homme. Les mentions en rapport avec l’attribution des charges à l’homme à titre principal, la levée de la dot (nouvelle loi sur le mariage coutumier) et bien d’autres, devraient clairement être supprimées dans un souci d’égalité de tous devant les lois de la République.
C’est dans cet élan d’égalité de tous devant la loi que l’on doit considérer que les autres points de la révision sont normaux : le mécanisme de reprise sur les biens en cas de liquidation de ladite communauté ; la suppression de l’obligation de notifier au mari par la banque l’ouverture d’un compte et la balance débitrice de celui-ci par la femme pour les remplacer par un principe égalitaire en modifiant la disposition qui incombe au mari sur les charges du mariage. La réforme porte également sur l’augmentation des droits du conjoint survivant et des nouvelles dispositions concernant le divorce.
Pour le cas du divorce, les réformes suivantes sont apportées : l’inscription dans le code civil des critères identiques pour la femme et l’homme pour qualifier l’adultère qui demeure une cause de divorce ; le cas de l’abandon établi comme un cas de divorce pour faute et aménager le cas échéant la présomption de filiation ; l’inscription, dans les cas de divorce pour faute, de tout fait de violence domestique établi à l’égard d’un conjoint ; l’instauration du divorce par consentement mutuel, avec ou sans l’intervention du juge, en permettant de désencombrer les tribunaux et de simplifier les divorces non contentieux.