Mal positionné sur le plan politique en raison de la suspicion qui pèse sur lui d’avoir manipulé les confessions religieuses afin qu’elles appellent au dialogue, Julien Nkoghe Bekale se retrouve coincé encore plus sur le plan social : les syndicats de la santé, de l’enseignement supérieur et autres sont déterminés à tout bloquer d’ici la fin du mois.
Le crépuscule s’annonce-t-il pour le notable de Ntoum ?
Les deux plus influentes centrales du Gabon viennent cette semaine de signifier à la junte au pouvoir que la rentrée de septembre 2019 dans les hôpitaux et les écoles (universités incluses) n’aura pas lieu dans la sérénité si, au préalable, des signaux forts ne sont pas envoyés.
En adoptant un Plan de développement sanitaire (PDS) en 2013, les acteurs dudit secteur (personnels soignants, notamment, et les structures hospitalières), d’aucuns avaient cru qu’enfin la gouvernance des hôpitaux (nominations, budgets, entretiens, équipements et plateaux techniques, construction ou réhabilitation des structures de prise en charge des populations) allait être significativement améliorée. Ce plan a même été revu pour la période 2017-2021. L’OMS y a même injecté des moyens. Bilan ? Zéro. Pour le régime PDG-Bongo, la CNAMGS est à tout bout de champ citée comme la solution pour la santé. C’est faux. Elle ne s’occupe que du volet « paiement » des frais, mais la qualité de prise en charge et les problèmes des acteurs ne relèvent pas de la CNAMGS, mais du PDS. Force est donc aujourd’hui de constater que malgré quelques nouveaux édifices (à Libreville seulement, pas à l’intérieur du pays), la situation ne fait qu’empirer : cherté des prestations, non prise en compte des carrières des personnels de santé, absence d’outils de diagnostic, manque de spécialistes dans les centres hospitaliers de l’intérieur du pays et de pharmacies…
Sur le dernier point, par exemple, en 2013, on dénombrait 195 médecins généralistes au Gabon (la situation a très probablement évolué aujourd’hui), mais 97 étaient en poste à Libreville, 18 à Ntoum et seulement 2 à Tchibanga. Aussi, le nombre de pédiatres était évalué à 28 dont 26 à Libreville, 1 à Franceville et à 1 Mouila. Aucun pédiatre n’est présent dans de grandes villes telles que Koula-Moutou ou Lambaréné pour ne citer que ces deux villes-là… Que dire des pneumologues, des gynécologues, des cancérologues ?
Les inégalités sont flagrantes. Le personnel soignant, qui s’agglomère au sein de la capitale, ne favorise pas la santé pour tous. Certaines régions du pays n’ont pas accès à certains services de santé. D’autres sont quasiment inexistants. C’est plutôt un constat alarmant fait sur le terrain pour certaines spécialités médicales absentes dans certaines zones du pays. Au centre hospitalier de Lastoursville, situé dans la province de l’Ogooué-Lolo, les malades sont contraints de se rendre à Koula-Moutou, chef-lieu de la province, faute de personnel soignant. Du côté de Lambaréné, on meurt pour une petite pathologie du simple fait que le plateau technique. Aussi bien à Schweitzer, où les radios sont imprimées sur papier A4 et non sur film, donc inexploitables, qu’à l’hôpital régional, les plateaux techniques sont surannés.
En bloquant les recrutements dans ce secteur, Nkoghe Bekale est-il sérieux de croire que cela va améliorer les conditions de vie des populations dans le pays ? Le préavis de grève déposé le 03 septembre 2019 par l’Union des professionnels de santé et assimilés (UPSA) annonce, aux dépens des populations, la fermeture en chaine des hôpitaux d’ici quelques semaines seulement. Les conséquences, on les connaît par le passé : des morts par ci par là.
Que revendique l’UPSA ?
– La réouverture des écoles de santé de Mouila et de Makokou ;
– l’annulation de la mesure de gel des recrutements dans la fonction publique ;
– la répartition des personnels selon les besoins sur le territoire.
Le gouvernement Nkoghe Bekale aura-t-il la capacité de répondre à ces revendications ? Pas évident, car pour eux, satisfaire aux revendications des syndicats est interprété comme un signe de faiblesse.
Eric Morabitôm