Jamais un Premier ministre n’aura été autant instrumentalisé, ridiculisé et, à la fin, parqué au garage. Tel est le sort de Franck Emmanuel Issozet Ngondet, ce cadre cuspodien du régime émergent qui vient d’être éjecté du gouvernement et balancé à la Médiature de la République, un « machin » sans portée politique et sociale.
Nommé le 28 septembre 2016 au poste de Premier ministre, poste qu’il a conservé jusqu’au 12 janvier 2019, Emmanuel Issoze Ngondet est passé par trouble et tempêtes. Si d’aucuns disaient qu’il était l’ami de Boa et donc un vrai émergent, la réalité des deux ans qu’il a passés par défaut à la tête du gouvernement de la junte a montré qu’il n’avait pas plus d’importance aux yeux des (vrais) tenants du régime (Mboranstuo, Michel Essongué, Laccruche Alihanga et consorts).
Premier ministre qu’il était, il n’avait pas, comme ses prédécesseurs, la gestion des milliards pourtant inscrits sur les lignes de crédit dans la loi de finances. Makokou et l’Ogooué-Ivindo en général gardent de lui quel souvenir d’avoir eu un fils comme chef du gouvernement pendant 2 ans ? Rien. Les routes impraticables, les écoles délabrées, les lycées manquent d’enseignants. L’état physique de Makokou comme ville provinciale a les allures d’un campement. Le centre de santé est en manque cruel de généralistes et d’infirmiers et de médicaments. Pire, les autres localités, comme Mékambo ou Booué, se sont davantage dégradées, appauvries. Les quelques Ogivins à avoir bénéficié de lui sont ceux qui ont pu être nommés comme chargés de mission ou conseillers à la primature. Des postes précaires qu’il avait négociés auprès de Boa dans la perspective de se faire élire député. Des postes dont les parents et clients politiques du coin vont se voir débarqués dès les toutes premières nominations que Julien Nkoghé Bekalé va opérer pour installer ses amis et parents à la mangeoire à son tour aussi.
Sur le plan politique national, Issozet Ngodet n’a pas brillé. Redevable au PDG qui l’a formé au Centre universitaire des sciences politiques et du développement (Cuspod), organe spécialisé du PDG dans les années 1980, et à Boa qui l’a élevé comme ministre puis Premier ministre, il n’a pas été une personnalité charismatique pour influencer le fonctionnement du régime pour décompresser la dictature et créer un climat politique plus serein. Issoze Ngondet a été un des métronomes du dialogue [monologue] politique d’Angondjé, la vraie opposition ayant refusé ce simulacre qui n’a visé ni le rétablissement de la vérité des urnes en 2016, ni à reconnaître le crime démocratique et humain commis en 2016, ni à proposer la mise en place de vraies institutions de réconciliation nationale et des élections législatives et locales pour donner une once de crédibilité au régime de Libreville à l’extérieur.
En pleine crise de la vacance du pouvoir, il s’est effacé face au cabinet d’Ali Bongo et à la Cour constitutionnelle alors que la Constitution lui donnait les pleins pouvoirs pour orienter le pays vers une nouvelle page. Comme quoi, au PDG, on ne peut que légitiment douter qu’il y ait des cadres valeureux. Car même dans les régimes les plus durs de l’histoire contemporaine, des hommes s’étaient levés pour dire « arrêtons ce que nous faisons ! ». L’URSS de Mikaël Gorbatchev en 1989 pour mettre un terme à la guerre froide ; l’Afrique du Sud de Frédéric Declercq qui avait accepté des élections libres et remis le flambeau au Noir Nelson Mandela. Issozet Ngondet sort donc de là bredouille alors qu’il avait des opportunités pour montrer qu’il est un homme d’Etat, un patriote, un homme qui entre dans l’histoire. Il a été incapable de tenir des élections pendant deux ans et celles qu’il a pu organiser, vaille que vaille, ont été ridicules. Mboranstuo l’a humilié en le qualifiant d’« enfant » qu’on punit et qu’on reprend en début 2018 lorsqu’elle justifiait sa décision de dissoudre le gouvernement et l’Assemblée nationale en toute violation de la Constitution. Disposant pourtant d’une majorité parlementaire PDG forte, il n’avait pas pu voir les choses venir pour empêcher ce coup de force.
La présidente du Sénat, Mme Milébou Aubusson, n’ a pas manqué de se foutre de lui à la passation de charges avec Faustin Boukoubi le 16 janvier dernier en déclarant : « Nous avons été confrontés aux problèmes causés par le non-respect, par le gouvernement, des dispositions légales en matière d’exécution du budget des deux chambres du Parlement ».
Sur le plan économique et social, son passage au « 2 décembre » laisse une économie à terre et un tissu social effondré. Le Plan de relance de économique (Pre) est resté, après deux ans son magistère, au stade de vœu pieux pour sortir l’économie et les finances publiques de la grave crise historique actuelle. Comprenant peu de chose à l’économie et disposant de faibles marges d’observation sur la manière dont les émergents Otandault et Régis Immongault tenaient les caisses de l’Etat dans une logique de secret d’Etat auquel il n’était pas associé, Emmanuel Issoze Ngondet a fait face à des grèves multisectorielles qui ont montré son incompétence économique chronique. Les hausses des taxes (comme les prix des carburants), la pression fiscales sur les entreprises, l’inflation ou encore l’endettement astronomique de l’Etat (60 % PIB), le nombre élevé de chômeurs (30 à 40 % des jeunes) sont des indicateurs de l’échec de cet homme sur le plan économique et social.
Ce n’est pas tant par manque d’idées qu’Issozet Ngondet, ce natif de Makokou, sort de là par la petite porte. Mais c’est bien parce qu’il était préoccupé de plaire à l’entourage incompétent de Boa afin de lui permettre d’avoir droit à la retraite des Premiers ministres (75 millions de Fcfa/an).
Alors qu’il lorgnait le perchoir de l’Assemblée nationale ou une autre institution au regard des fonctions de PM qu’il a exercées, grande a été sa surprise d’apprendre qu’il sera plutôt casé comme médiateur de la République. Son entourage familial et politique a crié au scandale, non sans manqué de parler d’« ingratitude », considérant que leur parent a subi trop d’humiliations jusqu’à couvrir les mensonges de Rabat sur la santé réelle de Boa. Une belle manière de le remercier en monnaie de singe.