Le feuilleton Raphaël Mangouala, qui a enflammé la toile et fait couler beaucoup d’eau sous les ponts d’Alembé, Misssanga ou Ebel-Abanga ces dernières semaines, est, de notre point de vue, moins la conséquence d’élections primaires biaisées que la manifestation ravivée de l’antagonisme haineux et fort mal masqué observé entre des cadres politiques locaux du parti au pouvoir.
En compétition malsaine permanente de positionnement et de leadership scrutin après scrutin, certains de ces hommes et femmes, contrairement à ce qu’ils disent, veulent considérer les terres de l’Abanga-Bigné comme leur chasse gardée. Même s’il est de notoriété publique qu’ils n’y sont que des…arrivants. Au même titre que tant d’autres, les Haoussa de feu papa Tanko compris. Mais pas des Somaliens…
Pour ces hégémonistes culturels, tous les prétextes sont bons et nombreux pour diaboliser les minorités concurrentes qui, pourtant, sur la scène politique nationale, n’ont même pas encore reçu autant qu’eux en termes de mandats électifs cumulés…en famille, de strapontins ministériels chaque fois plus consistants et de nombreux autres avantages liés à ces prestigieuses fonctions politiques au gouvernement et dans la haute sphère du Parti démocratique gabonais. Sans résultats palpables pour les populations de Bingoma stipendiées puis incarcérées. Ou celles d’Ebel-Abanga, dont le port à pêche inondé, bâclé dans sa conception, sa construction sans les normes adéquates et jamais mis en service, est devenu aujourd’hui un débit de boisson à ciel ouvert et un nid de tous les plaisirs malsains. Ne parlons même pas des dispensaires inachevés, dans la broussaille, sans équipements et sans médicaments. Malgré le passage remarquablement discret, pour les populations locales, de cette catégorie de cadres aux hautes affaires sanitaires et sociales du pays. Même dans le canton qui leur sert de vivier électoral, le développement, impulsé par le leadership de la commune, est également, tout aussi vivement attendu. Malgré l’accumulation des mandats et de très hautes fonctions.
Le sénateur, très confortablement élu à Ndjolé à la fin du mois dernier ne s’est contenté, lui, jusqu’à présent, que de son accoudoir électif. Son élévation au rang de président du groupe parlementaire du PDG, qui, pourtant les honore, n’étant que la suite logique, le couronnement d’un parcours entièrement dédié au rayonnement de l’ancien parti unique dans le canton si particulier du nord de l’Abanga-Bigné. L’espace local le plus riche d’un triple point de vue démographique, culturel et économique.
Si ces assoiffés de pouvoir total, aux trousses des autres, avaient pu avoir la faculté de transformer le département de l’Abanga-Bigné en une espèce d’enclave politique personnelle, il y a fort longtemps que cela aurait été chose faite. Hélas ! Pour ces apprentis monarques, les contraintes du jeu démocratique entravent encore leur projet. Mais pour combien de temps encore ? Tant les vrais inamovibles et leurs sbires dans la commune de Ndjolé et les villages de l’Abanga-Bigné travaillent avec acharnement à réduire en… cendres les hommes, femmes et édifices considérés comme faisant obstacle au dessein sectaire et despotique qu’ils poursuivent. Ils ont ainsi choisi d’enflammer, au figuré comme au propre, l’espace politique communal lors des dernières élections locales de 2018.
Avec une telle boulimie du pouvoir, les observateurs ont même été surpris de ne pas les voir clairement aspirer à être, même contre les lois en vigueur, ministres de la République ; députés et maires de la commune de Ndjolé et autorités morales des cantons nord et du deuxième siège de l’Abanga-Bigné. Tout le monde sait cependant qu’ils y sont presque. Alors, à quoi bon dévoiler si peu subtilement leur jeu s’ils peuvent compter sur des hommes de paille, pardon de main, à Ndjolé-centre et aux Ebel, Alémbé et Abanga ?
Il restait, cependant, une question que la tête pensante du groupe entendait régler sans prendre de gants : la mono colorisation ethnique du paysage politique d’un département aussi culturellement divers que l’Abanga-Bigné où sa communauté d’origine cohabite avec divers groupes ethniques de notre pays.
En effet, elle n’a jamais fait mystère, depuis son arrivée aux affaires, de tenter de réduire à néant l’influence politique des minorités ethniques qui peuplent la commune de Ndjolé et le département de l’Abanga-Bigné. Avec la majorité fang triée par ses soins, concentrant aujourd’hui presque tous les postes politiques, notamment électifs à l’exclusion du sénateur départemental qui échappe encore à son contrôle.
La chasse aux rivaux politiques dans l’enclave à « monarchiser » ne se concentre pourtant pas uniquement autour des communautés minoritaires. Puisque le frère de la tribu, Dieudonné Nang-Eko, alias Daltry, destiné à se…consumer avec ses ambitions dans la mairie enflammée à dessein qu’il convoitait en octobre 2018, avant d’affronter probablement Mangouala à la sénatoriale, a été jeté en prison. Avec un grand nombre de ses partisans. Innocents. Comme en décidera plus tard le tribunal de Lambaréné. Dieudonné Nang-Eko présentait pourtant le profil de l’emploi pour espérer régler le cas du Kota de Junckville.
L’argument ethnique ne tient donc plus seul ici. D’autant plus que l’ancien ministre Emmanuel Bie, authentique ressortissant de la commune, au moins autant qu’eux, a dû subir, lui aussi, les foudres de ceux qui veulent tout pour eux et les leurs à Ndjolé. Sort quasi identique pour la fille d’un ancien ministre de la communauté, entrée en politique à Ndjolé, mais qui, selon eux, aurait eu le tort d’être allée en mariage dans le Haut-Ogooué. Alors que ceux qui lui en faisaient spécieusement le reproche avaient convolé eux-mêmes en justes noces dans la Nyanga.
La rhétorique identitaire n’apparaît donc qu’un argument politicien à ajustements variables. Ce qui, à bien y regarder, confirme que les visées de ces cadres sont ailleurs et que la préférence ethnique n’est que de façade. La personne qui tient la troupe, manipulant les autres à des fins personnelles d’accaparement et de conservation du pouvoir.
Sauf à vouloir se prévaloir de leurs propres turpitudes, les agités de la théorie du « tout pour eux » savent pourtant fort bien que le parti où ils se cachent si mal prône des valeurs d’unité nationale et de cohésion sociale induisant, sinon le partage du bien-être des populations, du moins celui du gâteau politique. Au mieux par l’élection brute. Au besoin par le rééquilibrage géopolitique qui y est de mise. Mais alors, que « les bouches qui mangent » arrêtent de distraire les pauvres populations de l’Abanga-Bigné !