Interrogée mardi dernier par le journal Le Monde Afrique, la présidente de la Cour constitutionnelle du Gabon, Marie Madeleine Mborantsuo, qui, dans la phase actuelle, gagnerait à se taire, est tout de même intervenue pour vouloir couper court au débat sur la vacance du président de la République. Selon elle : « Il n’y a pas de vacance de pouvoir ».
Depuis la dernière sortie officielle du porte-parole de la présidence de la République, le sémillant Ike Ngouoni, parlant de l’hospitalisation du chef de l’Etat Ali Bongo Ondimba à l’hôpital roi Fayçal, en Arabie Saoudite, pour « une fatigue sévère », il y a trois semaines, plus rien ne transpire de Ryad, bien qu’Ike ait promis communiqué plus souvent sur le sujet.
Aujourd’hui, plus la rumeur et la suspicion enflent, plus la communication devient disparate et désordonnée. Au sein du régime, chacun sort du bois dès que l’opportunité se fait sentir. Même Marie Madeleine Mborantsuo qui gagnerait à garder le silence jusqu’à ce que les choses se précisent dans un sens ou dans l’autre, n’a malheureusement pas pu résister à l’envie, comme d’autres émergents avant elle, de venir parler à la presse étrangère au moment où la presse locale est sevrée de la moindre information. Une presse étrangère qui sert désormais de source et de référence à la presse locale. Nos autorités devraient en avoir honte.
Mborantsuo a maladroitement pensé qu’elle pouvait mettre un terme au débat sur la mise en mouvement de l’article 13 de la Constitution qui parle de la vacance du pouvoir du président de la République. Mal lui en a pris, car son intervention n’a fait qu’amplifier le débat. Si, jusque-là, la presse locale, la société civile et l’opposition avançaient avec prudence sur la santé d’Ali Bongo liée à la vacance du pouvoir, il faut dire que les différentes sorties du pouvoir au sein de la presse étrangère sont une véritable perche tendue à tout le monde afin qu’on puisse en parler fortement et hautement. Conséquence, le pouvoir ne sait plus où mettre la tête pour apporter une seule réponse que le peuple exige ; la preuve sur la santé d’Ali Bongo et sa capacité à poursuivre son ‘’sacerdoce’’ à la tête du Gabon. A cette question, pourtant simple, les émergents et Mborantsuo n’apportent aucune réponse. Or, à son niveau de responsabilité, le président de la Cour constitutionnelle a le devoir de faire le déplacement vers là où se soigne la première autorité du pays, s’enquérir de sa santé et c’est à ce moment-là qu’elle pourra, au nom du peuple gabonais, venir dire au Gabon qu’au regard de ce qu’elle a vu, le chef de l’Etat se remet et pourra bientôt revenir au pays remplir le devoir de sa charge.
C’est donc contreproductif lorsqu’elle la gardienne des lois vient dire dans la presse étrangère que : « En l’état, il n’y a pas d’empêchement définitif ou de vacance du pouvoir. Les institutions fonctionnent normalement et aucune procédure particulière n’a été mise en place pour l’instant ». Certes, « en l’état, il n’y a pas d’empêchement définitif ou de vacance du pouvoir définitif », même du fait qu’Ali Bongo n’est plus au palais que depuis trois semaines, mais peut-on réellement dire que « les institutions fonctionnent normalement » ? Est-ce à dire que le président de la République n’est pas une institution ?
Dans quelques jours, la Cour constitutionnelle va proclamer les résultats des dernières élections législatives, ceci après avoir vidé les recours, ouvrant ainsi la voie à la constatation d’une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale. Ce qui, de facto, va conduire l’actuel Premier ministre à déposer sa démission. Gageons qu’Ali Bongo sera déjà de retour à la maison pour recevoir la démission d’Emmanuel Issoze Ngondet. Sinon, on n’imagine pas la poussée de la suspicion sur l’Etat de santé du chef de l’Etat à ce moment-là. Issoze Ngondet, il faut le rappeler, ne peut rester Premier ministre au-delà de la proclamation des résultats des élections législatives par la Cour constitutionnelle. Mborantsuo et le PDG auront donc le bénéfice du doute jusqu’à ce moment-là. Après, il est à craindre que les Gabonais ne répondent plus de rien.