Il aurait pu s’en aller tranquillement au terme de douze ans de ses deux mandats présidentiels, dont un septennat. Mais le désormais ex-président sénégalais, acculé par l’opposant radical Ousmane Sonko, a été contraint de renoncer à briguer un troisième mandat politiquement indu. Mais pourquoi fallait-il qu’il songe encore à s’impliquer dans le jeu en sollicitant un report du scrutin qui a encore coûté la vie à quatre jeunes Sénégalais ?
Tout au long de la cérémonie d’investiture de son successeur, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, l’ancien président de la République du Sénégal, Macky Sall, était dans ses petits souliers. Dans la salle où se trouvait également en bonne place son rival irréductible, Ousmane Sonko, aux côtés du président guinéen Mamadou Doumbouya, très applaudi, le successeur d’Abdoulaye Wade n’en menait pas très large face à une assistance qui n’avait que des regards éloquents de tristesse pour lui. Coups d’œil de commisération, c’est même peu dire tant beaucoup dans l’assistance étaient certainement étreints par la colère au regard du gâchis sanglant causé au pays par un homme qui voulait demeurer à la tête du pays à tout prix, dont celui de jeunes Sénégalais désespérés et de carrières des adversaires politiques trop regardants à son goût.
Le président du Pastef, Ousmane Sonko, et son secrétaire général, Diomaye Faye, comptaient parmi la seconde catégorie. C’est pourquoi le président désavoué par la Cour constitutionnelle, d’abord, puis par une écrasante majorité de Sénégalais, jusque dans sa propre majorité, leur en a tenu rigueur en les envoyant tous deux en prison.
Issus tous les deux de l’administration des impôts et des domaines, les deux jeunes politiciens, qui avaient accès à des sources fiables de la manière familiale dont le chef de l’Etat était en train de gérer les ressources de l’Etat, avaient fini par s’en émouvoir. Ousmane Sonko, le leader du parti anti-système, a même commis un livre qui étalait la gestion peu orthodoxe des richesses gazière et pétrolière du Sénégal par le président de la République. Une dénonciation qui lui a valu sa radiation, par décret, de ses fonctions administratives. Depuis lors s’est engagé entre les deux hommes un véritable combat politique sans merci où le pouvoir en place a utilisé tous les moyens pour affaiblir un adversaire qui, malheureusement pour lui, se révèlera d’une autre trempe.
Jeté en prison où se trouvait déjà Bassirou Diomaye Faye, son n° 2, Ousmane Sonko ne lâchera jamais politiquement prise, tenant coûte que coûte à se porter candidat à l’élection présidentielle où il figurait parmi les mieux cotés, sinon le favori. Mais avant que ce projet ne soit entravé par la Cour constitutionnelle, le politicien déterminé a eu la lucidité et le fair-play de comprendre qu’il ne fallait absolument pas opter pour la posture de la « chaise vide ». Il a choisi de mettre sur orbite la candidature de son « petit frère et ami » qui vient de remporter la dernière présidentielle programmée en accéléré par une Cour constitutionnelle qui avait, elle aussi, des comptes à régler avec un pouvoir partant qui avait tenté de la discréditer. Une dizaine de jours avant que l’amnistie les sortant de prison ne produise effectivement ses effets, Faye et Sonko s’étaient déjà accordés sur le programme et la manière dont ils allaient commencer à gérer le pays sans rancœur et sans Sall.
C’est pourquoi l’importance qu’entendait accorder le futur chef de l’Etat au rôle du Premier ministre pendant la campagne n’était absolument pas anodine. Faye a d’ailleurs rapidement nommé Sonko à la Primature. Et ce dernier n’a pas tardé à rendre publique la formation de son gouvernement hier, 20 ministres. En comparaison, une nouvelle équipe gouvernementale reste toujours attendue en République Démocratique du Congo alors que le président Félix Antoine Tshilombo Tshisékédi avait était réélu pour son second mandat en décembre dernier.
Pour revenir au Sénégal, Macky Sall devrait s’attendre à quelques nuits d’insomnie avec l’audit qu’a promis de lancer très prochainement le nouveau président sénégalais sur la gestion passée des mines, du gaz et du pétrole du pays.
Sylvanal Békan