Par Guy Nang-Bekale, Docteur d’Etat en Sciences Politiques, Membre fondateur du Parti Gabonais du Progrès (PGP) . Tél : 077 35 89 49. « Je fais twister les mots et je révèle certains faits pour qu’un jour, les enfants sachent ce que certains ont eu, ce qu’ils ont été et ce que nous avons fait du Gabon »
O tempora, o mores…
Dans le tumultueux contexte socio-politique actuel, marqué par un événement majeur à deux composantes que sont l’élection présidentielle du mois d’avril prochain et la fin de la transition conduite depuis août 2023 par le Comité de transition pour la restauration des institutions (CTRI), qui a pris une décision de haute portée psychologique et politique, pas du tout banale, qui fera prochainement l’objet d’un décret pour procéder au « changement de la dénomination de l’aéroport de Port-Gentil » qui avait été scandaleusement baptisé, à son inauguration, « aéroport international Ali Bongo Ondimba ». Désormais, cette infrastructure portera le prestigieux nom d’un compatriote patriote qui avait valablement et douloureusement contribué au pénible processus de démocratisation politique de notre pays qui avait débuté par une Conférence nationale en 1990. L’histoire retiendra que c’est le pouvoir militaire et civil du Comité de transition pour la restauration des institutions (CTRI), dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a officiellement inscrit pour toujours en lettres d’or le nom de Joseph Rendjambé Issani, personnalité politique charismatique et digne d’éloges, dans les glorieuses annales de notre beau pays.
Dans la Bible des chrétiens, un évangéliste fait dire au Christ : « Père, j’ai fait connaître ton Nom ». Ainsi formulé, le mot Nom, dans son acception la plus simple et à un niveau plus élevé, devient une marque de reconnaissance traductrice d’estime et source d’admiration pour ceux qui le portent avec dignité ; surtout quand ce Nom inspire et impose le respect par une connotation de grandeur et de prestige, communément perçue par la multitude comme la personnification de la noblesse et de la notabilité de son porteur originel. A travers le Gabon, le nom de Rendjambé Issani impose l’admiration et invite à la compassion.
En donnant à l’aéroport de Port-Gentil le nom d’Ali Bongo Ondimba et point celui de Joseph Rendjambé Issani ; beaucoup de simples gens, nombreux observateurs et patriotes gabonais, en particulier ceux de Port-Gentil, dont j’en suis, avaient à l’époque négativement réagi à cette décision en la qualifiant de provocatrice, d’abjecte et d’inique.
Le nom Bongo Ondimba, écrit sur le fronton d’un édifice grand public de la ville ouvrière, capitale économique du Gabon est indubitablement un blasphème, une insulte à l’intelligence et à la conscience collective nationale.
Mil neuf cent quatre-vingt-dix (1990), deux mil vingt-cinq (2025), trente-cinq (35) ans après, voilà qu’un pouvoir exceptionnel, quoique de transition, décide volontairement et publiquement d’honorer et de restaurer la mémoire et la dignité d’un opposant patriote, qui fut considéré et établi martyr par une grande partie des gabonaises et des gabonais, en référence à sa mort soudaine et brutale à caractère sacrificiel. C’est l’occasion pour chaque patriote, non pas seulement de remercier ou de féliciter les dirigeants de la Transition ; mais aussi et surtout de confesser la reconnaissance au « Temps » le pouvoir de son œuvre révélatrice de la vérité cachée d’une part; et d’autre part de se convaincre de la vanité de l’homme et de sa condition de créature éphémère et mortelle… La décision du CTRI confirme, preuve irréfutable à l’appui, que ce qu’un homme peut faire en mal ou en bien ; un autre homme peut le défaire. Les générations se suivent et ne se ressemblent pas.
O tempora, o mores !
En bref, qui est Joseph Rendjambé Issani ?
Né à Omboué le 31 mai 1939, il est décédé jeune à Libreville le 23 mai 1990 à l’âge de 51 ans. Economiste de formation, il avait occupé d’importantes fonctions dans la haute administration gabonaise et le parapublic.
Leader politique et homme de convictions, Joseph Rendjambé avait été emprisonné pour des raisons de principes, d’éthique et de divergences idéologiques avec le pouvoir de son pays. Patriote sincère et opposant affiché au régime des Bongo, Joseph était membre fondateur et secrétaire général du Parti gabonais du progrès (PGP). Acteur principal de la Conférence nationale de 1990, il fut, après Marc Saturnin Nan Nguema et avant Pierre Kessany, président du Front uni des associations et partis politiques de l’opposition (Fuapo) qui prônait la fin du monopartisme et l’instauration immédiate du multipartisme.
Peu de jours avant son assassinat en mai 1990, le PGP, dont j’étais le président dans la province de l’Ogooué-Maritime, assisté du Parti radical des républicains indépendants (Pari), était en tournée dans ladite localité. Outre Joseph Rendjambé, Joseph Louembé, Madame Peka et moi, il y avait Fabien Méré pour le Pari….
Evoquant cette époque, Fabien s’était exclamé par écrit : « Le PGP ! Ah le PGP ! Quelle aventure, quel rêve ! Je revois Guy Nang-Bekale à la manœuvre. Mouity Nzamba, le grand Nan Nguema, Aganga Akelaguelo, Jeanne Thérèse et tant d’autres…souvenirs ». (Repose en paix, jeune frère !).
Je n’ai pas oublié. Je l’ai dit et je me répète : « naguère, quand j’étais potache, il y avait, inscrite en lettres gothiques sur une stèle dressée au lieu-dit Monument aux morts, une épitaphe d’inspiration française qui disposait : « À ceux qui sont morts pour le Gabon, la Patrie reconnaissante ». Rendjambé Issani et d’autres éminents patriotes ont été emprisonnés, torturés ou tués pour avoir, en vain, voulu véritablement entreprendre la refondation socio-politique du Gabon. Bon Dieu, que d’efforts vains, d’énergies gaspillées, de sueurs et de sang versés ! Nous souhaitons pleine réussite à ceux qui vont prendre la relève en avril prochain en qualité de dépositaires de la gouvernance du Gabon. Qu’ils mettent résolument en œuvre le projet de restauration raisonnable et rationnelle des institutions républicaines avec compétence, habileté et sagesse en mobilisant massivement les Gabonais autour des valeurs patriotiques et démocratiques.
Pour ma part et pour toujours, j’appellerai l’aérogare de Port-Gentil « Aéroport international Rendjambé Issani de Mandji ». Et, comme je l’ai suggéré il y a quelques années, il serait convenable, appréciable et judicieux de créer un mausolée national, sorte de panthéon gabonais où reposeront les illustres personnalités, notoirement connues et adulées, qui auront, durant leur vie, marqué leurs contemporains par leurs multiformes œuvres patriotiques progressistes courageuses. C’est aux gouvernants éclairés que reviendra la mission historique de construire ce panthéon et de le baptiser d’une appellation nationale consensuelle.
Aux gouvernants du CTRI !
Je n’ai nullement l’outrecuidance de prétendre parler au nom du peuple gabonais comme le claironnent souvent des politiciens et politicards stipendiés, renégats, parjures et démagogues. Je tiens simplement à extérioriser ma joie, ma satisfaction et ma reconnaissance, ainsi que celles des nombreux compatriotes qui applaudissent et approuvent la décision réconfortante et apaisante que vous venez de prendre et pour l’honneur que vous faîtes à un homme, à ses familles, à ses parents, amis et connaissances de toutes les provinces du pays, de l’Ogooué-Maritime en particulier et de sa capitale, Port-Gentil. Ancien compagnon politique de Monsieur Joseph Rendjambé Issani, je ressens un soulagement longtemps enfoui qui ne sera parfait que lorsque seront élucidés et connus les commanditaires, les meurtriers et les conditions de l’assassinat de ce grand homme.
Heureux et bénis êtes-vous pour avoir changé la dénomination de l’aérogare de Port-Gentil : d’« Aéroport international Ali Bongo Ondimba (AIABO) » à « Aéroport international Joseph Rendjambé Issani (AIJRI) » !
Que nos mânes protègent le Gabon et son peuple !