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Tribune libre/Gabon : Un soutien critique au CTRI, pourquoi ?

Simplement parce que nous ne pouvons pas, à la fois, vouloir une chose et son contraire. Ayant perdu tout espoir d’alternance au pouvoir par la voie des urnes, le peuple gabonais, par l’entremise de plusieurs leaders d’opinion, avait jeté son dévolu sur une transition politique. Comment l’obtenir ? Il a fallu, ce 30 août 2023, que les forces de défense et de sécurité gabonaises déposent le dernier potentat à sa tête, devenu inapte à la fonction, mais toujours soutenu par des forces des ténèbres.

Je me permets, une fois encore, de rappeler, pour l’histoire de notre pays, que l’idée d’une transition politique pacifique remonte aux années 1989-1990 par le Rassemblement social et démocratique du Gabon (RSDG) du père Paul Mba Abessole et El Hadj Omar Bongo, idée vite balayée par les questions préjudicielles de la Conférence nationale de mars/avril 1990. Elle a été reprise en 2016 par le professeur Albert Ondo Ossa avec l’Union sacrée pour la patrie guidée par le slogan destitution-transition-élections (DTE). Elle renaît en 2023 par la campagne citoyenne menée par deux groupes de réflexion : le Collectif des sages du Gabon (CSG) et le Conseil des notables & dignitaires de la nation (CNDN) conduit, respectivement, par Eugène Revangue et Paul Malekou avec la thématique « transition = zéro mort/élections = plusieurs morts ».
A juste titre, nous considérons que cet acte posé par nos forces de défense et de sécurité est le couronnement de cette campagne citoyenne pour partager, avec les collaborateurs de l’actuel chef de l’Etat, à chaque étape, notre modeste expérience.

Aussi, pour répondre aux préoccupations de ceux qui accusent de trahison les participants au Dialogue national inclusif (DNI) qui, pour eux, sont aussi comptables de ce qui apparaîtrait comme indélicat ou incongru dans le rapport général des travaux, que justifierait en mieux leur absence en dehors des mêmes suspicions qui entourent le projet de la nouvelle Constitution ?
En qualité d’organes de réflexion, nous avons eu le privilège d’être reçus par le président de la transition, chef de l’Etat, qui nous a instruits de continuer à lui faire part du fruit de nos travaux. Loin de nous la prétention de jouer le rôle d’un parti politique pour porter, haut et fort, la contradiction, nous nous sommes accordé une discipline : donner aux autorités de la République la primeur de nos publications avant de les mettre à la disposition du grand public. Bien qu’ayant fait l’objet de débats en interne, ce qui va suivre n’engage que ma personne, en raison des bruits qui circulent sur, d’une part, le projet de la Loi fondamentale et, d’autre part, sur le repoussoir que constituent les noms de certaines personnalités politiques du régime déchu.

Sur le projet de la loi fondamentale

Dans nos contributions diverses adressées au Premier ministre, hormis le projet de révision de la charte, nous avons suggéré au peuple le choix entre trois (3) propositions de lois : régime présidentiel, régime parlementaire et régime africain par délégation. Le Dialogue national inclusif (DNI) s’étant penché sur le régime présidentiel, c’est à la lecture de la mouture proposée et, s’il y a lieu, après amendements éventuels, que les leaders d’opinion pourraient orienter les électeurs et faire campagne pour le oui ou pour le non. Il me semble prématuré de donner des consignes de vote pour le moment.
Sans a priori sur le contenu du nouveau projet, en plus de la charte de la transition, le CTRI a eu la clairvoyance d’associer à celle-ci la loi 3/91 du 26 mars 1991 portant Constitution de la République gabonaise. Un acquis démocratique indéniable de la Conférence nationale de mars/avril 1990. En l’expurgeant des modifications iniques intervenues à partir de la loi 1/94 du 18 mars 1994 jusqu’à celle de février 2023, la transition aurait gagné un retour, à temps, à l’ordre constitutionnel. Mais il était nécessaire, compte tenu du climat malsain qui prévalait, que les Gabonais se parlent d’abord et redéfinissent leur vivre-ensemble. Une occasion s’ouvre en nous d’insérer dans cette nouvelle Constitution nos valeurs ancestrales. Profitons-en et ne manquons pas ce rendez-vous de l’histoire !
Citons en exemple cette valeur de la parole donnée ! Dans toutes nos communautés africaines à tradition orale, le non-respect de celle-ci conduit son auteur au ban de la société. C’est le contraire chez les Occidentaux pour qui « les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Insérée dans notre Constitution, dans un régime présidentiel intégral, avec un vice-président élu (et non nommé) sur le même ticket que le président, cette valeur emmènerait celui-ci devant le Parlement, à mi-parcours du mandat, pour faire un bilan de mise en œuvre du projet de société à l’actif de son élection. Bénéficiant de la même légitimité que le président, les prérogatives du vice-président se limitent à celles dévolues, à lui, par le président de la République avec l’habilitation d’achever le mandat en cas d’empêchement définitif du titulaire.
Un autre avantage que corrobore le régime présidentiel avec un vice-président légitime est la continuité de l’Etat, du service public, avec une élection présidentielle qui se renouvelle à la même date.
Il apparaîtrait donc indélicat de remette en cause ce qui est considéré par le peuple gabonais comme acquis démocratique de la Conférence nationale et consigné dans la loi 3/91 précitée, notamment sur la durée du mandat, les conditions d’éligibilité, ou matrimoniales, des candidats aux fonctions les plus élevées de l’Etat, qui ne sauraient être en contradiction avec le code de nationalité légué par les pères fondateurs de ce pays et qui ne souffre d’aucune ambigüité.
Pourquoi faire semblant d’ignorer la défaillance des personnes en charge de l’application de ces lois ? Elles sont responsables de la déliquescence de notre pays à partir des modifications éhontées de la loi. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit un adage populaire. Les Gabonaises

et les Gabonais sont devenus fébriles. Leur cohabitation avec certains bourreaux d’un passé récent est un calvaire qui blesse leur dignité. « Plus jamais ça » est le cri de tout citoyen soucieux de l’avenir de ce pays pour me permettre d’aborder le chapitre suivant.

Personnalités « repoussoir »

Ne nous voilons pas la face ! Le système Bongo-PDG n’est qu’un embryon de la nébuleuse Françafrique qui impose à tout président africain francophone d’être, d’abord, au service des intérêts de la métropole. S’il est populaire, admiré par ses concitoyens, son isolement est un objectif à atteindre par tous les moyens. Il lui est souvent conseillé de s’entourer de personnes honnies, mais efficaces dans les magouilles, afin que sa pérennité au pouvoir ne relève que du seul système et non de ses compatriotes.
Et ce système a impacté négativement les Gabonais militants, ou non, du Parti démocratique gabonais (PDG). De 56 ans de formatage on sort difficilement.
Ils ont perdu tous les repères à qui, mieux mieux, peut se servir des miettes qui leur sont distribuées. Faut-il parler ici des procureurs qui n’ont jamais eu le courage de s’auto-saisir des dossiers de crimes de faux et usage de faux en écriture publique, des officiers d’état-civil qui ont délivré de faux actes de naissance ? Dans les archives coloniales, à Nantes, on aurait sorti un extrait d’acte de naissance d’un enfant dont l’original ne se trouvait pas à Brazzaville, ville supposée de sa naissance – plusieurs dates – un mois de février 1959.
Des crimes de forfaiture et, surtout, de parjure commis par des sommités médicales qui s’affichent sur une photo pour tromper le peuple sur les capacités cognitives d’un homme malade, fini, à vue d’œil. Voilà ce legs du général de Gaulle que ses successeurs ont eu du mal à maîtriser par manque d’hommes d’Etat capables d’anticiper.
Il n’en demeure pas moins que nombreux sont, d’abord, des caméléons qui naviguaient, selon les circonstances, entre la majorité et l’opposition. Ensuite ceux qui se cherchent, ou qui ont trouvé, une virginité dans l’opposition après avoir posé des actes répréhensibles quand ils étaient au sommet de leur puissance – certains autres cooptés par hasard par le CTRI pour occuper des postes de responsabilité – et, enfin, ceux qui viennent d’être indexés récemment par les conclusions du rapport du DNI, sans oublier le chef de l’Exécutif déchu. Prononcer le nom de quelques-uns d’entre eux sert automatiquement de repoussoir. Comme disait Omar Bongo (paix à son âme !), « le Gabon est une maison de verre ou ceux qui sont à l’intérieur voient ceux qui sont à l’extérieur et vice-versa ». Il est regrettable que le Dialogue national inclusif (DNI) se soit abstenu d’acter la commission « vérité-justice-réparation-réconciliation » qui aurait pu, dans un premier temps, entendre les personnes soupçonnées pour poursuivre sa mission au-delà à de la transition. Ensuite, éviter ce qui ressemble aujourd’hui à une sanction arbitraire sans jugement préalable infligée par ses recommandations.

Au crépuscule de ma vie, j’aurais pu me retirer, dès le 31 août 2023, avec la satisfaction du devoir accompli, car l’acte posé par le CTRI est devenu, pour moi, le couronnement de la campagne citoyenne que j’ai battue avec d’autres vieux, mais aussi avec de jeunes Gabonais capables d’anticipation et à l’imagination débordante, patriotes, souvent oubliés par la société. Ils méritent tous mes félicitations sincères. Devrais-je les abandonner à leur sort, sans les accompagner dans ce nouveau Gabon tant souhaité par tous ?
Autant que faire se peut, beaucoup d’autres et moi avons décidé de suivre les étapes de cette transition et, à tout moment, tirer la sonnette d’alarme avec la neutralité d’hommes et de femmes qui n’ont plus d’enfants à placer. Par la grâce de Dieu, les leurs sont déjà plus ou moins bien assis sans passer par la Fonction publique. Ces femmes et ces hommes sont mus uniquement par le souci de laisser aux générations futures un Gabon digne d’envie. Comprenne qui pourra !

Fait à Libreville, le 31 juillet 2024
Eugène Revangue, dit le Villageois

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