Quand Ubu prend le pouvoir, il assassine d’abord le roi Venceslas puis fait tuer les nobles – « J’ai l’honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous les Nobles et prendre leurs biens » – puis ceux qui l’ont aidé à faire son coup d’État. Cependant, Ubu, Roi, doit faire attention au vrai fils du roi déchu Venceslas, le prince Bougrelas. Père Ubu est tout au long de l’œuvre mené en bateau par sa femme, qui va lui voler son argent, l’obligeant à la fin de la pièce à fuir le pays avec ses généraux.Ce n’est là qu’une pièce de théâtre. Revenons chez nous !
Ali Bongo Ondimba, en héritant du pouvoir de son père, ne se doutait certainement pas qu’il s’agissait, à la fois, de l’actif : la fortune, les privilèges, la fonction, le trésor public, les institutions, en somme des Biens Mal Acquis. Mais aussi du passif. Précisément du recrutement à l’infini d’une armée de fonctionnaires. Grâce aux propriétés magiques de la fiche bleue, ce sésame ministériel, qui autorisait l’intégration massive de milliers de vrais et faux diplômés. Grâce aussi au Trésor public, dépositaire des rentes de l’Etat, qui, sous la baguette du chef d’orchestre OBO, pouvait et devait assurer, au sein de l’administration, le paiement des salaires, les promotions et autres garanties. Assurer, en fait, la paix. Une partie de la rente de l’Etat a toujours servi à cela. A payer ce service interminable d’une dette intrinsèquement liée à la survie du système Bongo. Un passif qui est le prix à payer continuellement pour sa continuité.
Mais, en taillant des croupières, dès 2009, dans les rangs des collaborateurs de son équilibriste politique de père créateur – à ne pas confondre avec procréateur – BOA a entériné un combat au corps à corps, avec de nombreux caciques du système en coupant leurs arrières, les déstabilisant et provoquant leur chute. A cette époque, le Mogabo a frappé sans discernement. Boukoubi n’a dû son salut qu’à l’intervention de Nzouba Ndama encore membre du PDG.
Ce travail d’étêtage systématique de l’encadrement politique de l’âge d’or du bongoïsme « resplendissant » entamait en fait, par le haut, l’effritement du socle sociologique dont la base est formée justement par les fonctionnaires, tous. D’une part, les hauts, apparatchiks du parti du gouvernement, du parlement, des institutions, et des différents corps de la répression armée, mais, aussi, les « gagnepetits ». Après André Mba Obame, Eyeghe Ndong, et Oye Mba, des charrettes entières sont « passées sur l’échafaud » : Adiahénot, Ping, Ndemezo’Obiang, Chambrier, Menga, Nzouba Ndama, Ntoutoume Emane, Ngoulakia, pour ne citer que ces en-hauts d’en-hautqui ont les moyens de vivre momentanément en dehors de l’Etat et, même, en s’organisant politiquement contre lui.
Quant à la masse salariale des fonctionnaires, l’audit réalisé sous Ndong Sima a permis aux émergents de mesurer l’ampleur de l’impact social et politique s’il leur prenait de toucher au minimum vital que concède l’administration centrale à la masse des fonctionnaires : leur salaire.
Mais, à l’heure d’un baril qui prend de l’eau, il faut trouver de l’argent frais partout. Principales victimes, la masse des fonctionnaires. Mais, la réaction des syndicats ne s’est pas fait attendre. Loin d’être bêtes et débiles comme des moutons, qui sont le symbole de la docilité, les travailleurs syndiqués ont décidé de ne pas se faire démunir sans réagir en se laissant tondre la laine sur le dos.
Prochaines victimes, les Gabonais dans leur ensemble. Notamment en touchant aux loyers « dont le prix mensuel est égal à 200.000 francs CFA » qui « devront obligatoirement faire l’objet d’un bail écrit et transmis préalablement à la signature par le locataire, au visa du directeur général des prix et enquêtes économiques. Le bailleur et locataire qui auraient omis de faire viser le bail par le dg des prix seront passibles l’un et l’autre d’une amende égale au triple du loyer mentionné sur le bail ». C’est ainsi qu’Emmanuel Eyeghe Nze, Directeur général de la concurrence et de la consommation invitent « bailleurs et locataires à quitter l’informel ». En fait, dans le langage de la fiscalité pour les nuls, il veut tout simplement dire : « à reverser la manne à l’Etat » dont les rentes habituelles, notamment pétrolières, allégées des Biens Mal Acquis, ne peuvent plus supporter les charges de l’Etat. Or, vu que les maisons en locations sont bien souvent une source de revenus complémentaires contribuant à alimenter l’épargne des fonctionnaires, et pas seulement eux, c’est un autre coup de poignard dans les économies des Gabonais.
La fin de la saison sèche risque d’être chaude, associée à la mascarade électorale qui force sa tenue, et mêlée au tourbillon de mesures antisociales, véritables pompes à phynance.
D’autant que les seuls matricules non touchées par toutes ces mesures appartiennent aux corps, pas seulement habillés, mais, surtout, armés.