Le 16 juin 2023, de 14h 30 à 17h 30, à la Chambre de commerce de Libreville, le collectif des sages, soutenu par le conseil des notables et dignitaires de la nation, a lancé – au cours d’une conférence de presse – « un appel au peuple gabonais pour la rupture avec la Françafrique et le report des élections générales de 2023 ». Ce Collectif suggérait une transition politique, devenue impérative, du fait de la déliquescence de notre pays. Un calvaire vécu par une population encore plus appauvrie durant les deux derniers septennats usurpés par un pouvoir honni.
Les initiateurs de cette approche sont heureux de constater que de jeunes Gabonais, cadres avérés, aient entendu cet appel. L’un d’entre eux, candidat déclaré à l’élection présidentielle de 2023, nous a conviés à assister à la conférence de presse qu’il tenait, le mercredi 05 juillet 2023 à 15h 30 dans l’une des salles de l’hôtel Hibiscus à Louis. Sa déclaration, à notre avis, a été d’une importance capitale pour tout patriote épris de paix, de justice et décidé à défendre la patrie. En espérant que d’autres refuseront de se soumettre au verdict d’institutions sans assises…
La libération de notre pays n’appelle pas un combat contre le système Bongo-PDG qui n’existe que par la volonté de la nébuleuse Françafrique. Une invention du général De Gaulle tendant à pérenniser dans les ex-colonies d’Afrique la mainmise de la France sur toutes les richesses dont elles regorgent. Les successeurs du gaullisme pur et dur ont su, au fur et à mesure, s’adapter, tant bien que mal, à l’évolution multipolaire du monde.
Au risque de croire que la France n’a plus généré des hommes d’Etat, les jeunes élites, qui ont pris en main la destinée de ce grand pays qu’est la France, ont beau proclamer la mort de la Françafrique, ils peinent à trouver un nouveau modèle et, maladroitement, utilisent ses mêmes méthodes surannées qui les ont conduits dans les bourbiers du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée-Conakry, de la Centrafrique et, bientôt, si on ne fait pas attention, d’autres anciennes colonies comme le Gabon.
En effet, c’est à l’élection présidentielle du 27 août 2016 que le Gabon a montré à l’univers tout entier, avec la désignation d’un candidat consensuel de l’opposition, que son peuple était capable de transcender ce handicap de la classification, par groupes ethniques, léguée par les colons selon la logique du « diviser pour mieux régner ». Au lieu de saisir cette opportunité pour corriger les erreurs d’antan, la classe politique française, dans un désarroi total, a cautionné, au prix de plusieurs pertes en vies humaines, le bombardement du quartier général du challenger situé à quelques encablures du camp de Gaulle, base du contingent de l’armée française. Cet acharnement meurtrier s’est poursuivi dans toute la capitale et à l’intérieur du pays, notamment à Port-Gentil, Oyem, Mouila et Lambaréné où des fosses communes, çà et là, ont été aménagées.
Devant tant de barbaries, un dossier documenté a été déposé, en son temps, à la CPI pour crimes contre l’humanité. Avec la condescendance qu’aime afficher le président de la France face aux petits nègres naïfs qui se plient aux ordres de la cellule élyséenne en charge des ex-colonies, leur dicte notamment la participation à des simulacres d’élections, au mépris des rapports rendus par les observateurs de ce scrutin et les résolutions du Parlement européen, rien ne bouge après 7 années. Les Gabonais rejettent ce scenario macabre : élections bâclées-proclamation de faux résultats-contestation populaire-répression-tueries-dialogue-partage des postes, pour une transition politique qui demeure la seule voie de sagesse.
Contrairement à tout ce qui peut se dire, le peuple gabonais n’est pas si naïf que cela paraît. Le président de la France sait que les Gabonais savent ce qu’il sait. Son air goguenard tire vers la décadence de la France s’il ne prend pas de disposition pour faire partir celui que Sarkozy, alors président de la France, a placé à la tête du Gabon, lui exiger une transition politique sous la houlette de la personne qui dispose encore d’une légitimité reconnue tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. N’en déplaise à ceux qui rêvent toujours d’un adoubement par la France.
Aussi, faut-il reconnaître, au préalable, que le Gabon n’a plus de Constitution. Celle adoptée par consensus à l’issue de la Conférence nationale de mars/avril 1990 faisant l’objet de la loi n° 3/91 du 26 mars 1991, avec plus d’une quinzaine de modifications orientées seulement à la confiscation du pouvoir, 32 ans révolus, est vidée de toute sa substance. Elle ne répond plus aux aspirations d’une jeunesse qui réclame l’alternance. Un nouvel ordre constitutionnel s’impose à tous et invite forcement une transition politique.
Ensuite, par le discours prononcé à l’occasion du 55ème anniversaire de son parti, le chef de l’Exécutif a fait un aveu public, celui d’avoir été absent pendant 5 ans (sinon plus, parce que sans expertise médicale approfondie devant un collège de spécialistes, nul ne peut avancer qu’il s’est rétabli). Cet aveu disqualifie d’office toutes les institutions de la République. Des gouvernements ont été nommés et remaniés, des membres de la Cour constitutionnelle ont été reconduits. Des nominations à la tête des différents corps de défense et de sécurité ont été prononcées. Comment le peuple gabonais va-t-il se soumettre à une horde d’individus dont il ne connait pas celui qui les a investis en l’absence de la clef de voûte de toutes les institutions ? Si les décrets les nommant sont signés, il s’agit simplement de faux et usage de faux en écriture publique. Les institutions, dans leur ensemble, n’ont pas joué pleinement leur rôle.
A la fin du mandat actuel usurpé, le pouvoir doit être rendu au peuple souverain. D’où l’impératif de la transition politique que le président de la France, à l’origine de cette impasse, a le devoir d’imposer. Tous ceux qui s’agitent autour (Sylvia Bongo comprise) sans mandat du peuple ne sont que des imposteurs.
L’article 13 de la Constitution stipulait, je cite : « En cas de vacance de la présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif de son titulaire, constatés par la Cour constitutionnelle saisie par le gouvernement statuant à la majorité absolue de ses membres, ou à défaut par les bureaux des deux chambres du Parlement statuant ensemble à la majorité de leurs membres, le président du Sénat exerce provisoirement les fonctions du président de la République ou, en cas d’empêchement de celui-ci dûment constaté par la Cour constitutionnelle, saisie dans les mêmes conditions, le premier vice-président du Sénat ».
« L’autorité qui assure l’intérim du président de la République est investie, à titre temporaire, de la plénitude des fonctions du président de la République, à l’exception de celles prévues aux articles, 16, 19 et 116, alinéa 1er. Elle ne peut se porter candidat à l’élection présidentielle ».
« En cas de vacance ou lorsque l’empêchement est déclaré définitif par la Cour constitutionnelle, le scrutin pour le nouveau président de la République a lieu, sauf cas de force majeure constatée par la Cour constitutionnelle, trente (30) jours au moins et soixante (60) jours au plus après l’ouverture de la vacance ou de la déclaration du caractère définitif de l’empêchement ». Au Gabon, on est allé au-delà des normes admises (5 ans).
A l’examen de ce qui précède, aucune action n’a été engagée dans ce sens aussitôt connu l’AVC qui a frappé le président gabonais. Cependant, la Cour constitutionnelle, saisie par le gouvernement Issoze Ngondet, s’est arrogée le droit de réécrire un alinéa nouveau à cet article en y introduisant une notion vague d’« indisponibilité temporaire » sous l’œil avisé de la Françafrique, notre partenaire principal. Une loi adoptée par le Parlement couronne cette incongruité depuis plus de 5 ans… N’y a-t-il pas ici une forfaiture, voire un délit de parjure ?
Seuls des juristes aguerris pourront répondre à ce questionnement qui interpelle chaque candidat déclaré, ou ayant l’intention de le faire, pour juger, en son âme et conscience, de l’opportunité de se présenter à ces mascarades d’élections organisées par des institutions dévoyées qui ont failli à leurs obligations régaliennes. Le tribunal de l’Histoire en tirera les conclusions, notamment celle d’accorder une légitimité à des gens qui ne le méritent pas. Il en sera de même pour le président de la France qui, jusqu’à ce jour, prive le peuple gabonais du président de la République qu’il a élu le 27 août 2016, sans raison aucune.
Enfin, peuple gabonais, ta libération est entre tes mains : voter l’imposture ou t’abstenir, le résultat n’aura aucun impact. Le pouvoir se sert des étrangers qui décident maintenant à ta place. Autant secouer avec fougue la Communauté internationale qui sera taxée de non-assistance à peuple en danger pour s’impliquer avec fermeté et arrêter la bêtise de gens sans foi ni loi, des va-t-en guerre sans scrupules, prêts à faire couler à renfort de mercenaires, une fois de trop, le sang des Gabonais. La seule voie à suivre est celle de la transition politique avec l’unique élu reconnu par tous dans l’histoire du Gabon, mais que la Françafrique « mourante » empêche, jusqu’à ce jour, d’exercer le pouvoir.
Peuple gabonais, à toi d’agir !
Libreville, le 9 juillet 2023
Eugène Revangue, dit le Villageois