Depuis quelques années, l’Université des sciences de la santé (USS), située à Owendo et censée former des médecins gabonais, ne forme actuellement que des « charlatans » modernes, des rebouteux, pour ne pas dire de sortes d’infirmiers supérieurs qui délivrent de faux diagnostics. A l’absence de salles de classes se sont greffés la politique, le tribalisme, le racket et les cours en visio…
Les étudiants de l’USS semblent déjà étouffer dans leur antre d’Owendo, au lieu-dit « Derrière-la-pédiatrie ». C’est là-bas que sont formés les futurs médecins gabonais et du Gabon. Mais, depuis quelques années, enseignants et enseignés ne cachent plus leur désolation de constater une formation largement au rabais de ce que l’on devrait attendre d’un centre supérieur et stratégique de formation comme celui-là. Manque de macchabées pour les expériences, manque de bibliothèques et désormais un campus qui est fermé aux apprenants depuis des années déjà…
Si, l’année dernière, les cours en présentiel se faisaient par vague pour une heure de cours, cette année, les enseignants ont changé de fusil d’épaule. Estimant que les cours par vague ont ceci de particulier que le même cours est dispensé deux à trois fois dans la même journée pour des étudiants de même niveau afin de respecter la distanciation, ils ont décidé cette année de prendre un nombre réduit d’étudiants pour les cours en présentiel alors que le reste est prié de les suivre en ligne. Sauf qu’à ce niveau, ce sont les étudiants qui trinquent.
En quatrième année, par exemple, ils sont 150 étudiants qui doivent se retrouver dans une salle qui ne peut accueillir, au trop, que 50 personnes. Les enseignants ont décidé de prendre en présentiel 80 personnes et les 70 restants doivent suivre les cours en visio-conférence. En outre, les cours par visioconférence ne sont pas assumés par la direction de l’établissement. Autrement dit, les étudiants sont sommés par les enseignants de se cotiser pour payer eux-mêmes l’abonnement pour la connexion Zoom pour suivre les cours en visio-conférence. Et même après avoir payé l’abonnement, il se pose un autre problème. Selon certains étudiants, « pendant le cours, il y a un problème du son qui ne sort pas bien. Nous n’avons pas le bon son, donc nous entendons mal le cours. Ce qui n’est pas le cas en présentiel où nous pouvons même poser des questions. Et puis, ce ne sont pas tous les étudiants qui ont un téléphone, un ordi ou une connexion internet chez eux pour suivre les cours en visio… ». Avec l’arrivée d’Internet, il est possible de suivre les cours en ligne ou en visioconférence, mais rien ne pourra remplacer les cours en présentiel. La hiérarchie de l’USS doit prendre cela en compte.
La tutelle et la direction de l’établissement gagneraient à investir dans la construction de nouvelles salles de classe au lieu de recourir à des fausses solutions comme les cours en visio. Voilà des étudiants qui paient déjà assez cher les frais d’inscription fixés à 75 000 F. l’année et qui doivent aussi maintenant payer eux-mêmes l’abonnement pour la connexion Zoom. Si ce n’est pas de l’escroquerie, c’est tout comme. A l’USS, l’administration se trouve comme larguée, car ce sont désormais les seuls enseignants qui décident et imposent face aux pauvres étudiants qui puent la trouille. « Ici, on ne boude pas, on ne fait pas grève comme à l’UOB, car les diplômes intermédiaires n’existant pas ici, tu dois aller jusqu’au bout. Car si tu es exclu, c’est comme si tu n’as jamais fait le supérieur. Nos enseignants sont conscients de cela. Voilà pourquoi ils nous martyrisent. Tant pis pour l’étudiant qui est pris ! Son compte est bon pour la porte… », rappellent les étudiants de l’USS.
Depuis sa séparation de l’UOB et son installation à Owendo, l’USS n’a pas évolué en termes de bâtiments. Ce sont les mêmes vieux bâtiments depuis sa création. De l’autre côté, la population des étudiants évolue. Et la demande est forte au niveau des bacheliers des filières scientifiques. Coincée, l’administration de l’USS n’a pas trouvé mieux que de limiter le nombre des inscrits via un concours à filtrage serré. Sommes-nous encore dans une faculté où s’agit-il alors d’un concours d’entrée dans une grande école, à l’exemple de l’école polytechnique de Massuku ? Notre pays a un manque criard de médecins, pourquoi durcir autant les conditions d’accès à tous ces jeunes qui, pour certains, ont la vocation d’être des docteurs en médecine ?
Voilà comment un pays qui manque cruellement de médecins, non seulement les forme au rabais, mais en plus ferme la porte au plus grand nombre aussi bien en termes d’inscrits qu’en termes d’admis. Il y a quelques années une étudiante avait failli se suicider, car elle avait été recalée, alors qu’elle avait bien travaillé. Se rapprochant officieusement de l’un de ses enseignants, elle s’est entendu dire que « le taux d’admis fang était atteint… ». Sans commentaire !
Dans nos hôpitaux, certains internes – et même des généralistes – font de faux diagnostics, causant d’autres pathologies aux malades. Souvent, ces derniers portent plainte, mais, le plus souvent, c’est des affaires qui passent sous silence. Ainsi va le secteur de la formation dans le domaine de la santé au Bongoland.
Odette Melighe