Les violences scolaires au Gabon prennent une ampleur alarmante sous l’effet conjugué des smartphones et de la démission parentale. Une énième scène filmée autour d’une enceinte scolaire et devenue très virale sur le web en témoigne : deux adolescentes se battent violemment pendant qu’un élève filme, regrettant de ne pas avoir capté un moment particulièrement brutal — « Je n’ai pas eu quand elle a mis le coup ».
En fond, une voix commente froidement : « Elle a déjà mis deux coups ». Ce qui devrait susciter l’indignation devient un divertissement viral.
« Les smartphones et les réseaux sociaux créent un nouvel espace où la violence est non seulement perpétrée mais aussi mise en scène, amplifiée et diffusée », confirme l’UNICEF dans son rapport de 2021 sur les violences en milieu scolaire au Gabon. Cette spectacularisation transforme radicalement la nature même des conflits entre élèves.
En parallèle, l’encadrement parental s’effondre. La question de l’implication des parents dans l’éducation et l’encadrement des enfants est régulièrement soulevée par les acteurs institutionnels. Lors d’une réunion récente avec les fédérations des associations des parents d’élèves de la province de l’Estuaire, Fortune Nguema Owona, directeur d’académie de l’Estuaire, a affirmé d’emblée « que la montée des violences scolaires était en grande partie liée à la responsabilité des parents » (in L’Union du 17 mai 2025, intitulé » Violences en milieu scolaire : les parents conviés à faire partie de la solution « ).
Cette déclaration, qui a » suscité de vives réactions « , illustre les tensions et les divergences de vues entre les différents acteurs concernés par la problématique des violences scolaires. Elle souligne néanmoins l’importance du rôle parental dans la prévention des comportements violents et la nécessité d’une collaboration étroite entre l’école et les familles.
René Menie, président de la Fédération nationale des associations de parents d’élèves du Gabon, déplore : « Beaucoup de parents ont abdiqué leur rôle éducatif, laissant l’école seule face à des problématiques qui dépassent largement son cadre. » (In L’Union du 17 mai 2025).
Cette double défaillance — technologique et parentale — crée un cercle vicieux : les adolescents évoluent dans un environnement où la violence est tolérée, voire valorisée et exaltée. Pour briser cette dynamique, des initiatives émergent : éducation aux médias, programmes de soutien à la parentalité, dialogue école-famille. Mais, selon René Menie, « leur mise en œuvre nécessite une concertation approfondie et la mobilisation de tous les acteurs concernés. » (L’Union du 17 mai 2025).
Les chiffres qui alarment
80% des élèves interrogés déclarent avoir été victimes de violences verbales et psychologiques (UNICEF, 2021) ; 59% des acteurs du système éducatif ont subi des violences physiques (UNICEF, 2021) ; 18% des apprenants et 13% des enseignants ou personnel administratif rapportent avoir été victimes de violences sexuelles (UNICEF, 2021)
Près de 70% des victimes de violences en milieu scolaire n’engagent aucun recours (UNICEF, 2021).
Jean Félix Nzenguet
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