Le lundi 13 juillet 2020 a été une journée cauchemardesque pour les jeunes vendeurs de poisson et de légumes qui se débrouillent en ce dur temps de lutte contre le Covid-19. Ils ont été surpris ce jour-là, en matinée, par la descente inopinée du présumé délinquant « voleur de gravier » Jean Justin Ngowémandji Maury. Tel un éléphant dans une boutique de porcelaine, il s’en est pris violemment aux pauvres débrouillards qui n’avaient que leurs yeux pour pleurer face à cette opération qui frisait le ridicule.
Très tôt dans la matinée du 13 juillet dernier, l’édile de la commune de Lambaréné, Jean Justin Ngowémandji Maury, est descendu, lourdement musclé comme un chef de gang, pour en finir avec ces jeunes revendeurs qui, il faut le rappeler, se débrouillent en achetant du poisson chez des pêcheurs pour le revendre aux riverains et autres passants en provenance ou en direction du sud-Gabon. A son arrivée ce jour-là, c’est comme s’il y avait de l’électricité dans l’air. Il était accompagné du maire du 2è arrondissement, Madame Brigitte Koumba, de l’ensemble des agents du service de recouvrement, des agents techniques ainsi que tous les véhicules disponibles de la mairie. Lui-même, le chef, en première ligne, demande à ses troupes de soulever tout ce qu’il y avait comme brouettes remplies de poissons (carpes, sans-nom et poissons dits divers). Voilà en ce qui concerne les revendeurs de poisson frais. Mais il n’y avait pas qu’eux à être la cible du maire qui, dans sa frilosité, s’en est également pris aux tables de ces dames qui se débrouillent en vendant du poisson fumé. Même les bacs de légumes comme la laitue, les fruits de saison et autres condiments vendus par certaines femmes ouest-africaines, n’ont pas trouvé grâce à ses yeux. Ses lieutenants se sont donné à cœur-joie à l’ouvrage, obéissant au doigt et à l’œil au maire-shérif avec beaucoup de zèle. Ce fut la débandade totale.
Il y avait ceux qui voulaient sauver leur butin et ceux qui discutaient avec les agents à tel point que la situation fut confuse à un moment. L’attroupement causé par cet acte en pleine lutte contre le Coronavirus et le respect des mesures barrières a laissé place aux conversations entre riverains : « On ne sait pas ce que veut notre maire de Lambaréné. Est-ce que son salaire de maire ne lui suffit pas ? Pourquoi nous empêche-t-il de travailler ? Dans ce métier de revendeur, on se débrouille pour survivre seulement. Pourquoi cet homme nous persécute-t-il ? La réalité est que nous prenons le poisson avec les pêcheurs en bon, ainsi que les brouettes. Et une fois le poisson vendu, nous payons nos dettes. Mais comme le maire emporte tout, c’est-à-dire poisson brouettes, comment allons-nous faire ? ». Telles sont les interrogations que se posent ces jeunes victimes de la honteuse descente du maire sur le terrain.
Aux dernières nouvelles, nous apprenons que le butin a été déposé à la prison centrale de la ville. Chose dont les enfants doutent. Ces derniers affirment que seulement une petite partie a été amenée à la prison et le reste a été partagé entre les agents. Par ailleurs, ces jeunes racontent au quartier Isaac que le maire a fait cette opération afin de trouver du poisson frais et des légumes pour organiser le repas chez lui dans la journée de mercredi 5 juillet afin de dire au revoir à son ancienne alliée et protectrice, Madame le gouverneur de province qui quitte Lambaréné pour Mouila dans la province de la Ngounié.
Effectivement, on entend par-ci par-là que le maire Jean Justin a reçu le gouverneur Paulette Mengue m’Owono et certains des directeurs provinciaux à son domicile pour un repas bien arrosé dont la carpe fumée et fraîche était au menu. La grande question que la population se pose est de savoir à quoi obéit cette descente musclée sur le terrain contre ces enfants. Et qu’est-ce que la mairie y gagne ? Est-ce que cette manière de faire du maire et ses collègues va permettre de rattraper leur budget qui est descendu de moitié lors de leur dernier conseil municipal ? Est-ce que c’est bien comme ça pour un maire qui risque de faire la prison bientôt, car ayant un dossier en instruction au parquet pour vol de gravier ? Seul l’avenir nous édifiera. Un revendeur de poisson reste avant tout un électeur.