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Conférence de presse de Frédéric Massavala : « L’élection d’il y a trois ans, c’est terminé… »

Frédéric Massavala-Maboumba, au cours de sa conférence de presse.

Le samedi 10 novembre 2019, à l’occasion d’une conférence de presse tenue à l’hôtel Triomphal, Fréderic Massavala Maboumba a officialisé sa rupture avec le camp de Jean Ping dont il était jusque-là le porte-parole. Relevant le fait de n’avoir pas reçu, pendant son séjour carcéral, une assistance conséquente de la part du président de la Coalition pour la nouvelle république (CNR), Massavala reproche surtout à ce dernier de s’accrocher à un combat politique qu’il estime suranné, car « n’apportant rien de concret aux Gabonais ».

De la rencontre avec Brice Laccruche Alihanga à Ndendé

C’est officiel ! Fréderic Massavala, jusqu’ici opposant radical, a choisi de prendre ses distances avec Jean Ping, le candidat malheureux à l’élection présidentielle du 27 août 2016 qui continue de revendiquer sa victoire. Officiel, car en réalité cette rupture n’était plus qu’un secret de polichinelle depuis que de nombreux compatriotes avaient vu, ahuris, au mois de septembre dernier, l’ancien porte-parole du CNR au domicile de Christian Patrichi Tanasa Mbadinga, à Ndendé, en train de dîner aux cotés de Brice Laccruche Alihanga, alors directeur de cabinet d’Ali Bongo. Une rencontre qui avait suscité moult interrogations et des commentaires en tous genres sur le positionnement politique actuel de celui qui venait de passer 19 mois en prison au pénitencier de Libreville pour incitation au trouble à l’ordre public et manifestation contre l’autorité de l’Etat. A cela, Massavala Maboumba a expliqué avoir accepté cette rencontre pour défendre ses droits, c’est-à-dire la réhabilitation de ses émoluments coupés depuis son arrestation jusqu’à ce jour, plaider la cause de ses amis politiques Bertrand Zibi, Pascal Oyougou et Landry Amieng encore en détention à la prison centrale de Libreville. Enfin, il affirme avoir fait comme Nelson Mandela qui, du fond de sa cellule, avait accepté de négocier avec le pouvoir de Peter Botha.

A propos du divorce avec Jean Ping

Se maintenant toujours dans l’opposition gabonaise qu’il a intégrée en 2016, l’ex-porte-parole du CNR a évoqué comme raison à la base du divorce avec Jean Ping l’indéfectible accrochage de ce dernier à l’élection présidentielle de 2016 dont il continue de revendiquer la victoire. Pour le natif de Tsamba-Magotsi, « l’élection d’il y a trois ans, c’est terminé (…). Aujourd’hui, si, par extraordinaire, le président Ali Bongo déposait sa démission, on n’irait pas recompter les voix d’il y a 3 ans. On organiserait une élection présidentielle anticipée ». De même, il pointe du doigt la vacuité d’un discours qui, dit-il, n’apporte rien de concret aux Gabonais. Disposé à discuter et à travailler avec le camp qu’il a combattu hier, Massavala se justifie : « il y a sur l’échiquier deux types d’hommes politiques. Les uns ne pensent qu’aux échéances électorales et à leurs résultats. Ce sont les politiciens. Les autres pensent au quotidien de leurs compatriotes et à l’avenir du pays. Ce sont les hommes d’Etat… Je préfère aujourd’hui revêtir la veste d’homme d’Etat qui transcende les clivages subjectifs… ». Des justifications qui ont davantage attisé les débats autour de cette évolution du verbe de celui qui, avant son arrestation, avait l’un des tons les plus incisifs de la galaxie Ping.

Structuration du combat politique au sein de l’opposition gabonaise

Un fait, évoqué lors de la conférence de presse, se trouve abondamment décortiqué dans les réseaux sociaux. Il s’agit du peu d’assistance (financière) que Massavala dit avoir reçue de Jean Ping lors de son séjour carcéral. Un fait analysé avec dérision par certains internautes qui estiment que Massavala, après avoir été ministre, devrait nécessairement avoir une épargne conséquente qui ne justifierait pas le grief qu’il porte au patron de la CNR. A cela vient s’ajouter le fait que le combat qui a envoyé Massavala en prison n’était pas seulement le sien, ni celui du seul Jean Ping, non plus, mais plutôt de tous ceux qui aspirent à l’alternance et au changement. Une idée bien saugrenue que de penser qu’un leader politique est tenu de supporter, seul, les charges de « son »/« ses » organisation(s) et de ses membres. Quid des cotisations des adhérents qui partagent les mêmes convictions ?
Ce qui met en évidence le problème de la structuration des organisations qui ont décidé de mener un long combat politique, comme celle de l’opposition gabonaise. Frédéric Massavala Maboumba semble appartenir au système Bongo où tout type de problème était réglé, rubis sur l’ongle, par Omar Bongo Ondimba lui-même. Il suffisait de le rencontrer et de se gratter la tête. Mais, parallèlement, il faut bien reconnaître que la Coalition de Jean Ping ne regorge pas d’organisations prédisposées à supporter un combat long et peut-être permanent contre un régime illégitime du type de celui qui sévit à Libreville.

Qu’en est-il, en fait, des organisations politiques au sein de l’opposition gabonaise ?

Des hommes et des femmes de conviction ou alors un rassemblement d’ego démesurés sans réel plan pour prendre le pouvoir ? Passé la rassembleuse présidentielle de 2016, Ping a tôt fait de constater le lâchage progressif des leaders qui revendiquaient avec lui sa victoire à cette élection. De même, lui aussi a faussé compagnie à ses « amis » désireux de participer aux élections couplées (législatives et locales) d’octobre 2018. Il a prôné le boycott au moment même où ces derniers espéraient bénéficier de son soutien.
Quid des fortunes engrangées sous Omar Bongo Ondimba ? Pourquoi ne pas les mettre au service d’une meilleure organisation du combat politique de la résistance ? En un peu plus d’un demi-siècle d’engagements démocratiques des autres peuples sur le continent, ces expériences révèlent que les leaders gabonais de l’opposition n’ont pas toujours su rassembler tous les atouts nécessaires pour atteindre leurs objectifs d’alternance et de changement. Peut-être parce que, comme le pensent de nombreux compatriotes, au Gabon, beaucoup d’opposants, comme Massavala, lorsqu’ils tombent la veste apparaissent sous leur vrai jour de simples dissidents qui, dans leur agenda politique, ont, surligné la date de leur retour à la ‘’maison mère’’.

Roland Filbrice

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