Ce combat, qui prend les allures de celui de David contre Goliath, oppose un enseignant d’université gabonais confronté à la volonté du major pétrolier français de bâtir, à tout prix, une station de vente de carburant devant chez lui. Total Marketing a même réussi le tour de force de posséder des documents dont l’authenticité reste à prouver selon notre enquête.
L’emplacement choisi par Total Marketing Gabon (TMG) correspond à un espace adjacent à la parcelle de cet enseignant, en bordure de la voie Express de Libreville. Or, parce qu’étant partie intégrante du domaine public routier, cet espace est protégé par la loi gabonaise qui interdit formellement qu’on puisse y élever le moindre édifice. D’autant que, sous cette bande de terre, passent des infrastructures dont la juxtaposition avec des cuves de carburant ferait courir le risque de déflagration à grande échelle, les cuves étant remplies de milliers de m3 de produits inflammables. On parle ici d’explosions et d’embrasement de toute cette zone d’Ambowè. Une catastrophe qui pourrait s’étendre jusqu’à l’échangeur situé au carrefour des Charbonnages et n’épargnerait pas le camp militaire français en emportant au passage l’immense domaine des Bongo dans les flammes d’un incendie gigantesque. Et, par la même occasion, serait emportée la concession de cet enseignant que Total Marketing Gabon, par l’entremise d’un de ses agents, aurait sollicité. Son refus catégorique de négocier n’a pourtant pas découragé le pétrolier qui, passant outre, a décidé d’engager les travaux. Brandissant une autorisation d’occupation dudit site, au nom du Général Paul Operha, il a décidé d’occuper le terrain, pancarte officielle à l’appui. Les travaux ont démarré. Pourquoi se gênerait-il, en effet ?
Comme nous pouvons tous le constater, au vu et au su des autorités dédiées, la plupart des stations jalonnant la voie Express ne respectent pas cette disposition légale et détiennent des titres d’occupation d’espaces publics réputés inaliénables. Elles sont toutes en bordure de route. Mais c’était sans compter avec la ténacité de l’enseignant qui, rendu sur les lieux, est surpris par le démarrage des travaux par Total Marketing Gabon. Courroucé, il s’est opposé énergiquement à leur poursuite.
L’affaire se trouve à l’heure actuelle au tribunal.
Une question s’impose, celle de savoir quelles autorités ont pu établir les différents documents nécessaires à la construction d’une telle infrastructure dans l’emprise du domaine public routier de l’Etat, en principe inviolable selon les lois en vigueur. Ces documents ont-ils une existence légale ?
Contacté par notre rédaction le 5 février, Total Marketing Gabon nous a répondu que « le terrain dispose de toutes les autorisations administratives nécessaires à son exploitation. Ces documents, poursuit-il, sont consultables auprès des administrations concernées, notamment l’ANUTTC ». Le directeur général de TMG, M. Edouard Bourdin, tout en reconnaissant qu’il s’agit bien d’un terrain faisant partie du « domaine public routier », se défend toutefois en précisant qu’il « a donc fait l’objet d’une autorisation d’occupation temporaire validée par les autorités compétentes ». Comment comprendre alors que le ministre d’Etat, Jean Pierre Oyiba, ne reconnaisse pas avoir délivré d’autorisation d’occupation à la société Total Marketing ? Le David gabonais pourra-t-il l’emporter face au Goliath Total Marketing Gabon, véritable Etat dans l’Etat ?
Affaire à suivre.