Nombreux sont les téléspectateurs du 20h du 31 décembre 2019 restés sur leur faim. L’allocution d’Ali Bongo Ondimba n’a abordé pour ainsi dire aucun des sujets qui agitent l’actualité. Ni l’acte de « piratage en haute mer » avec disparition et mort d’homme, ni l’affaire BLA qui n’est cité à aucun moment dans son allocution, ni cette unique route nationale qui n’en finit pas d’être réparée et de tuer et pour laquelle les Chinois qui ont installé deux immenses base-vie pour la rendre carrossable une bonne fois pour toutes n’ont pas été payés, ni les propos de son ministre des Affaires étrangères sur sa non-implication dans la tournée républicaine de son propre directeur de cabinet, BLA.
Rien de tout cela n’a été jugé assez préoccupant pour qu’il se fasse un devoir de rassurer les Gabonais sur les questions de sécurité nationale, notamment de nos eaux territoriales, ou encore de montrer une volonté de dégager les voies qui seront prises, cette année 2020, en vue, plutôt que d’agir après coup contre la corruption et les corrompus qu’il a bien fallu placer avant qu’ils ne se mettent à brouter, de la prévenir ; de donner des chiffres précis sur le financement de l’entreprise chinoise chargée de construire et sécuriser la nationale ; de fournir des éléments sur ce coup d’Etat à ciel ouvert dont BLA et un certain nombre de hauts cadres de l’Etat sont accusés.
ABO a manifestement préféré se taire sur tous ces chapitres et n’insister que sur des généralités sans préciser le contour des choses. Par exemple, prenons la question de L’union, « le premier terme de notre devise », qu’en dit-il ? Que «nous avons parfois des divergences. Mais nos différences, parce qu’elles finissent par être surpassées et transcendées, constituent une source d’enrichissement. Nous nous retrouvons toujours sur l’essentiel : l’attachement à notre Pays, l’amour de notre Patrie. Ce qui nous lie, est autrement plus fort que ce qui pourrait nous diviser. Unis, nous sommes, unis nous resterons. » Sur cette question de l’Union, la dernière grosse divergence est la présidentielle 2016. De nombreuses propositions de réconciliation, de consensus sont nées, même après le dialogue politique d’Angondje. Même de nombreuses personnalités de l’opposition s’y sont récemment associées. Guy Nzouba Ndama a même fait des propositions précises sur la question. Aux antipodes d’une volonté de concertation nationale, Jean Ping a déclaré : « C’est dans cet esprit de rejet constant de ma part, des arrangements d’arrière-boutique, que je suis resté fidèle à la défense du choix exprimé par le peuple gabonais, à l’issue des élections du 27 août 2016.
C’est pourquoi, je dis et redis que la noblesse d’avoir été élu par le peuple gabonais, à ce moment précis de l’histoire de notre pays, ne tient pas, chez moi, au désir d’accéder à un poste, mais plutôt de régler un problème lancinant. » Qui n’est autre que « de voir le Gabon enfin dirigé dans le respect du choix fait par les Gabonaises et les Gabonais et sortir de la dictature. » Et, pour y arriver, il fait appel à la communauté internationale, et l’invite, de fait, à un droit d’ingérence, en invoquant le principe onusien de la Responsabilité de Protéger.
Face à un kaléidoscope de nuances politiques sur la question de l’Union, vers laquelle des nuances tendrait ABO ? L’allocution d’ABO, quant à elle, reste muette à ce sujet.
L’absence dans le discours d’ABO d’un exposé des directions et des formes possibles que pourrait prendre cette Union des Gabonais dont il défend les vertus renforce encore plus le sentiment que le pouvoir cherche avant tout à se retrouver même un semblant de stabilité, ne fut-ce qu’au plan de son Exécutif. Remaniement en vue.