(Traduit de l’Anglais par Aristide Mba).
Cela fera bientôt un siècle (lac Azingo-G3-1928) que l’on ne cesse de trouver du pétrole au Gabon. Et a ce jour, le sous-sol gabonais a à peine livre tous ses secrets. Et depuis 1956 l’or noir sort du sous-sol gabonais. Mais qu’en savent les gabonais sur les montages financiers qui sont souvent complexes ?
La scène pétrolière internationale a beaucoup changé depuis la fin des années 30. Car 73-95% du pétrole Mondial est détenu par des Compagnies Nationales (nous y reviendrons). De fait la majorité d’entre elles ont été créées par des nationalisations dans les années 1970. Aussi, quoi que plusieurs Etats aient opté pour des compagnies nationales entre les années 1930 et 1990. Et bien que ces types de nationalisation soient des événements rares – se produisant seulement 45 fois depuis les années 1930 – les incidences de l’expropriation de l’Etat ont néanmoins changé, la donne aussi bien sur les marchés internationaux et les champs politiques nationaux. Cette occurrence aurait pu changer le sort des pays pétroliers comme le Gabon en 66 ans.
Mais en dépit du statut d’entreprises pétrolières, les multinationales privées ou étatiques du nord continuent de dominer le marché. On ne dira jamais assez que le Gabon est non pas un « pays producteur de pétrole ». Mais un pays au sein duquel des compagnies multinationales exploitent les ressources naturelles du pays hôte en lui reversant une rente. Il se confirme aussi que depuis 1938 (Mexique-PEMEX- 7-Juin-1938) la nationalisation n’a pas changé les rapports de force dans le secteur pétrolier et minier. Le prix du pétrole est fixé au Texas (Houston) et à New-York au NYMEX. Les pays dit pétroliers sont toujours price-taker (les passifs du marché-preneurs de prix). Tandis que les pays développés notamment les Etats-Unis demeurent price-makers (dominants-fixeurs de prix).
Le Gabon avait la particularité de ne pas avoir de compagnie nationale pétrolière jusqu’à la création (2011) de la fameuse Gabon Oïl Company (GOC), qui est devenue – comme partout où il y a des sous au Gabon – le monopole du G2, a l’exception de l’ajevien Patrichi Christian Tanasa ironiquement arrêté juste après avoir été désigné « manager africain de l’année ». Les PDG y sont prodigues et kleptomanes. Sans que l’on ne sache sur quelle base ils sont nommés et éconduits.
De fait, la production des Champs Ezanga dans le Moyen-Ogooué depuis 2009 a généré beaucoup de bénéfices pour la compagnie Maurel et Prom. Mais aucune retombée pour la région et ses populations en l’occurrence les populations du lac Ezanga. Mais quelle est la part de l’Etat gabonais dans cette affaire ? Car Maurel et Prom ne cesse de claironner avoir « signé un accord global avec le gouvernement gabonais ». Et pour cause « Ce protocole d’accord mutuellement bénéfique témoigne de la forte volonté commune de la République gabonaise et de M&P de renforcer leur relation. Il marque l’engagement de long terme de Maurel & Prom au Gabon et améliore le cadre permettant le développement des activités du groupe dans le pays. La reprise des forages de développement en juillet, ainsi que la finalisation récente d’une campagne d’acquisition de données de gradiométrie magnétique couvrant l’ensemble de la surface de notre permis d’Ezanga, témoignent de cet engagement à maximiser le potentiel de nos actifs », selon les dires du Directeur général de M&P, Olivier de Langavant.
L’opacité demeure dans un domaine où les pays tiers sont toujours dans une posture asymétrique face aux Multinationales.
Le Moyen-Ogooué province pivote du Gabon est aussi une région minière et Lambaréné son chef-lieu, une ville pétrolière : Pétrole, Maganes, niobium, terres rares, Phosphate, or, pierres, tourisme etc. puis doublée d’une population rompue aux pratiques agricoles et halieutiques. A ce jour, les populations de la région ne voient rien et vivotent. Elles ont abandonné leurs terroirs et finissent leurs vies en dehors de leurs villages respectifs faute de conditions matérielles attrayantes et incitatives. A l’instar de tout le Gabon, Lambaréné souffre de l’impuissance de la puissance publique depuis 55 ans. Et pourtant le chiffre d’Affaires de Maurel et Prom est passé de 330 millions de dollars américains (2020) à un demi-milliard (500M$-2021). Les bénéfices sont énormes compte-tenu de la conjoncture internationale depuis la crise du Covid-19.
Le gisement Pétrolifère Ezanga (G3-32km au sud de Lambaréné) est un champ pétrolier conventionnel dont la production située à terre au Gabon et exploité par Maurel & Prom Gabon. Le champ est situé dans le bloc Ezanga (Omoueyi). Il appartient à PT Pertamina (Persero) une compagnie qui est en fait la Compagnie Pétrolière Nationale Indonésienne, Tullow Oil une compagnie Irlando-Anglaise basée à Londres et en République gabonaise.
La répartition du Capital se présente comme suit : Pertamina (80%), Tullow Oil (8,57%) et la République Gabonaise (11,43%). La part gabonaise semble être une pitance illustrée par le graphique ci-dessous. Et l’on peut légitimement se demander qui négocie ce genre de contrats. Car pour un pays pionnier en la matière les ressources humaines ne semblent pas à la hauteur. Tant les richesses du Gabon demeurent virtuellement jonchées de contrats léonins.
Cela d’autant que le champ pétrolier conventionnel Ezanga a déjà pompée 69,82 % de ses réserves récupérables totales, avec un pic de production atteint en 2014. Le pic de production était d’environ 25 020 bpj de pétrole brut et de condensat. La production est passée à 28000 bpj. Ce qui est martingale pour les investisseurs. Et sur la base d’hypothèses économiques, la production se poursuivra jusqu’à ce que le gisement atteigne sa limite économique vers 2042.
Le gisement Ezanga est si important qu’il représente actuellement environ 10 % de la production quotidienne du pays.
Le champ Ezanga devrait récupérer 36,94 millions de barils d’équivalent pétrole (Mmboe) composé de 36,94 milliards de barils de liquides pétroliers (Mblp) de pétrole brut et de condensat. Les réserves des champs pétrolifères conventionnels d’Ezanga représentent 0,01% du total des réserves restantes des champs pétrolifères conventionnels en production dans le monde.
Les données qui précèdent démontrent à suffisance le pillage des ressources gabonaises. Une situation qui est le résultat de l’impéritie et du cynisme des élites gabonaises qui se déploient dans l’action publique. L’ironie de l’histoire c’est que l’actionnaire majoritaire demeure ici l’Etat indonésien (pays de Soekarno chantre du non-alignement) qui est jaloux de son indépendance nationale. Mais qui ne se gêne pas d’exploiter les ressources d’un autre pays du tiers-monde. Il appert que la « coopération sud-sud » ici est un slogan. De fait, que ce soit la France et autres opérateurs occidentaux ou du tiers-monde, les ressources du Gabon sont dévergondées de la même manière. Il n’y a pas de « gagnant-gagnants » en ces matières.
Les montages financiers dans ces secteurs sont très complexes. Cela exige des négociateurs – la hauteur des manigances des compagnies extérieures. L’exploitation aura commencé en 2009. Et selon les perspectives sus-indiquées. Le champ avait atteint sa maturité en 2014 et malgré quelques reculs les affaires ont repris de plus belle en 2020. L’épuisement s’amorcera vers 2030 pour se tasser d’ici 2042. Le lac Ezanga regorge d’autres gisements du côté du village Kiyar terre du clan Ebifah.
Les voies du pétrole gabonais demeurent impénétrables.
Tant elles se limitent au périmètre de la présidence de la République avec tous les parasites à l’appétit d’ogre qui y rodent. Les Champs Ezanga et leur poids dans la production nationale confirment que le Moyen-Ogooué dispose de ressources énormes. Mais l’argent des ressources naturelles gabonaises ne va pas au Trésor public. Certes les ressources naturelles sont la propriété de l’Etat et sont donc un patrimoine national dont les revenus devraient s’investir au niveau national. Mais il est impératif d’investir 50 milliards de FCFA dans la ville de Lambaréné et toute sa région. Après 13 ans d’exploitation au cours desquels, le Chiffre d’Affaires et les bénéfices de Maurel &Prom ont connu une évolution exponentielle, sans que cela change la vie locale si ce sont de lourds dégâts écologiques. Cette somme pourrait révolutionner tout le dispositif infrastructurel de la ville et de toute la région.
Les clauses de sauvegarde internationales sont pourtant claires : toute exploitation des ressources naturelles, exige la protection des populations autochtones et de leur environnement. Les dégâts environnementaux sont énormes. Ce qui est coup (et un coût) pour une population qui vit d’activités halieutiques. Le village avait dans les années 60 une école primaire et un dispensaire rien qu’avec l’argent du bois. De plus elle a connu des pêcheurs et planteurs millionnaires qui se livraient à la thésaurisation. Sa position géographique (32km de Lambaréné) 2h-2h30 en pirogue hors-bord en descente et en montée faciliterait l’implantation de nombreuses infrastructures.
Lambaréné deuxième ville créée au Gabon après Libreville (1874), troisième vrai centre urbain du pays. Ce point nodal et donc stratégique du Gabon devrait ressembler au chef-lieu d’une région minière. Cela n’est possible que sous un autre régime. Il est inutile de vouloir changer les pièces. Il faut tout simplement changer de système.
Aristide Mba