Tous les ans les Gabonais célèbrent depuis 61 ans le 17 août comme date d’accession à l’indépendance. Ce fut même un moment solennel. Cette date fait l’objet de nombreuses interprétations. D’aucuns considèrent que le Gabon n’est pas un pays indépendant sans qu’ils ne précisent ce qu’est un pays sous-développé indépendant. Les critères de souveraineté internationale sont pourtant clairs selon le « consensus de Montevideo » (Uruguay) concernant les Etats américains : « un territoire sur lequel vit un peuple avec un gouvernement plus ou moins régulier » reconnu internationalement.
Ainsi présenté, le Gabon est bel et bien un pays souverain. Le concept d’indépendance est plus confus. Il a une connotation de suffisance. Ce que tous les pays ne peuvent avoir. En effet comment un pays qui se dit « en voie de développement » peut-il être indépendant ? Il suffit d’écouter le discours d’ABO ou les témoignages des ténors du PDG sur « Gabon Télévision » pour s’apercevoir à quel point le pouvoir isole des réalités. Car ce discours est une prophétie auto réalisatrice. Son catalogue d’épicier ne correspondant à rien. Le PDG et ses militants de choc ont la mémoire sélective. L’exercice du pouvoir a été une aubaine. Et l’on peut se demander s’il vaut mieux en rire ou en pleurer. La langue de bois dans sa splendeur.
ABO a été Administrateur-civil en chef, ministre des Affaires étrangère (1989), député (10 ans), PCA de l’OPRAG, ministre de la Défense (10 ans) et président de la République depuis 12 ans. Il est incapable d’égrener une stratégie de développement crédible. Loin des publi-reportages de la communication institutionnelle, le problème avec ce régime c’est qu’il parle de ce qu’il fera dans 2 ans. Mais il est incapable de parler de ce qu’il a fait en 54 ans. Cela fait 61 ans que ce débat a lieu mais personne à ce jour n’a décliné les contours du nationalisme économique qui est le cœur de tout développement.
L’économisme dans sa quête d’explication absolue des pratiques humaines invoque des causalités externes pour expliquer les « échecs économiques ». Aussi on évoque la culture, la géographie, la malédiction pour tenter de cerner les raisons des « échecs » des pays « sous-développés ». L’analyse historique démontre que les explications géographiques sont insuffisantes. Le Gabon est d’ailleurs en Afrique un pays atypique : sa géographie le place dans le cercle vertueux de l’Afrique. Ce qui est rare dans les autres zones du continent. La dernière revue des revenus par tête africains nominaux place le Gabon ($7,185), 3e derrière les Seychelles ($12,323) et l’Ile-Maurice ($8,951) ce qui n’est pas une mauvaise compagnie. Et selon le très bien informé rapport de la CIA, le PIB du Gabon est de $16Mds (en nominal) soit 38Mds en PPP ce qui est énorme pour un pays aussi peu peuplé. Sa démographie n’est guère galopante le pays se situant dans la zone de dépression démographique de l’Afrique. Il y a en fait un homme pour une femme.
Ce pays n’a jamais vraiment connu de rupture de croissance comme cela s’est passe dans les autres pays africains. En gros, l’économie Gabonaise ne s’est jamais effondrée. Aucune catastrophe naturelle. C’est donc un pays miracle qui ne connait aucun obstacle géographique sa géographie qui est un atout attise cependant des convoitises depuis cinq siècles. Les pays d’Asie du sud-est sont aussi tropicaux comme Singapour (nous y reviendrons sur cette cité-Etat). Et pourtant ils sont aujourd’hui un pays développé. Les discours que nous entendons souvent de la part des commentateurs sont imaginaires. Avec leur évocation du « tout pour le peuple », au motif qu’il faille se serrer les coudes contre « l’impérialisme » ou la « division nationale ».
L’Afrique postcoloniale est pleine de rhéteurs de cet acabit qui passent leur temps à se défausser sur autrui pour justifier leurs échecs. Le débat économique moderne est lui-même fondé sur les soi-disant vertus du « libre-échange ». Ce faisant, l’asymétrie est vendue comme une relation « gagnant-gagnant ». Un paradoxe quand on sait que le capitalisme est un système hiérarchique qui ne met pas spontanément tous les agents économiques sur le même pied. La preuve c’est que l’analyse économique pose elle-même des conditions pour arriver à l’idéal du marché. La nécessité d’un « commissaire-priseur » pour arbitrer les relations entre agents économiques est un exemple patent. De nombreux observateurs emboitent le pas en parlant de libre-échange sur le continent. Et pourtant l’histoire économique ne dénote aucune corrélation entre le libre-échange et le développement économique.
Les théories de la Banque mondiale, de l’OCDE, de l’OMC du FMI voire de la BAD sont risibles.
En ce sens qu’elles sont promues par ces pays du nord qui mettent les barrières à l’entrée de leurs marchés. Quant aux Afriques on se demande bien où sont les biens qu’elles produisent afin échanger. Au contraire, ce sont les performances nationales qui sont mises exergue pour évaluer les performances économiques. Il en est de même pour la théorie de la dépendance qui explique que le sous-développement du sud est la conséquence directe du développement du nord. L’histoire longue est plus nuancée sur ces deux conceptions. Les structures que nous avons remontent pour des pays comme le Gabon à la colonisation depuis six siècles. Les sociétés gabonaises se sont progressivement intégrées au système mondial depuis le 15e siècle.
En somme il n’y a pas d’économie gabonaise proprement dite avant la colonisation. Ce n’est pas une anomalie. Mais des données historiques qu’il faille contextualiser. Ceux qui demandent par exemple la baisse des tarifs sont les pays du nord qui ont besoin des débouchés pour leurs économies nationales. Celui qui est considéré comme le père de l’économie l’Ecossais Adam Smith a bien écrit un ouvrage sur : l’Enquête sur la Nature et les Causes la Richesse des Nations (1776), et sur la richesses des continents, qui est en réalité, l’annexe de son œuvre majeure : La Théorie des Sentiments moraux (1759). De fait Adam Smith (1723-1790) était professeur de philosophie morale et non d’économie. Le premier vrai professeur d’économie fut Thomas Malthus (1766-1834). Personne ne parle ni d’économie asiatique, ni de continent jaune. On parle d’économie japonaise, allemande, britannique, américaine, française, sud-coréenne, indonésienne, chinoise, indienne etc. les africains sont les seuls à poursuivre le leurre d’une solution continentale.
Les économies nationales n’existent pas.
Leurs fragmentations sont une « tragédie de croissance » (Easterly), au point que l’on se demande comment quelque chose qui n’existe pas sur le plan national peut-elle par enchantement exister sur le plan international. Pour construire des gratte-ciels il faut des fondations. C’est la concurrence entre nations qui fait avancer les pays et non l’inverse. L’Allemagne et puissante parce qu’elle défend son territoire économique. Et pourtant membre de l’Union européenne, elle ne partage pas ses excédents avec les autres pays européens. Au contraire elle est la matrice de la Troïka (Commission Européenne, Banque Centrale Européenne, et le FMI) qui prône la rigueur budgétaire. Et c’est donc au nom de son intérêt économique qu’elle refuse de financer les pays déficitaires du sud de l’Europe. Ses lignes de force mondiale sont fondées sur une stratégie nationaliste.
Le développement des Etats-Unis s’est fait grâce à son nationalisme économique. Et d’ailleurs Freidrich List (1789-1846) estampillé « père du protectionnisme » n’était en fait que le disciple d’Alexander Hamilton (1756-1804) le premier Secrétaire au Trésor américain, qui fut en fait le défenseur du nationalisme économique américain, avec son rapport sur l’industrie américaine adressé au Congrès (1791), afin de la protéger de la concurrence internationale. Et d’ailleurs l’allemand Freidrich List vivant aux Etats-Unis au moment de ces débats au XIXe siècle, n’avait fait qu’appliquer à l’Allemagne les idées d’Alexandre Hamilton. Il avait regroupé ses idées dans son « Système National d’Economie politique » (1841).
En effet, depuis toujours, les pays du nord champion du libre-échange financent tous leurs agriculteurs dont les produits subventionnés nous sont revendus et entretiennent notre dépendance culturelle et donc alimentaire. On ne dira jamais assez que le libre-échange est un pur slogan spécieux et un piège pour les nigauds postcoloniaux. En réalité, le protectionnisme fut inventé par les anglais. Ce qui leur permit d’asseoir leur domination.
En effet, tous les pays développés ont assuré leur développement par le truchement de barrières douanières protégeant ainsi leurs industries naissantes. Et ce n’est que lorsqu’ils sont à maturité et recherchent des débouchés qu’ils prônent le « libre-échange », dans une stratégie que List appelait le « retrait de l’échelle ». Autrement dit, on retire l’échelle pour soi dès que l’on arrive au sommet. Et tant pis pour les naïfs et les attardés.
Et pourtant le Gabon avait bien commencé en suivant comme tous les pays une trajectoire de construction d’un tissu économique national avec des sociétés paraétatiques : l’Office des Bois de l’Afrique Equatoriale Française (OBAE) devint la Société Nationale des Bois du Gabon (SNBG). La SEEG fut un fleuron industriel avant qu’elle ne fut déjantée par la privatisation sous forme de concession de service public, alors que dans tous les pays du nord, les secteurs stratégiques sont publics et non privés. Par exemple Ethiopian Airlines et Singapore Airlines souvent classées par l’IATA comme les deux meilleures compagnies au monde sont des entreprises publiques. Mais elles sont gérées avec beaucoup de rigueur. De fait ce n’est pas le statut d’une entreprise qui détermine son destin économique et financier. Mais c’est la culture des dirigeants et les arrangements institutionnels au sein desquels l’entreprise agit, qui font la différence. Les fonctionnaires et les cadres supérieurs singapouriens sont les mieux payés au monde. Ils savent respecter la compétence. Ils ont une gestion civique des ressources humaines. Mais ils sont mis à contribution.
Ce tissu économique gabonais qui se mettait en place a volé en éclat à cause de la gabegie.
Dans une société fondée sur l’exhibitionnisme et le court-terme, car si les cadres détournent l’argent public, c’est aussi pour financer des pratiques sociales qui sont dispendieuses. De fait les gabonais sont prompts à dénoncer les autres par jalousie, mais ils ne rechignent pas à recevoir de l’argent de leurs parents dont ils savent que c’est de l’argent volé. Car quelqu’un qui gagne 100 000FCFA/mois ne peut pas dépenser cinq fois plus que son salaire. Cet argent vient bien de quelque part. Si je donne des bons d’essence à un parent ou à un ami, je viole les règles. Mais les récipiendaires vont en redemander, et ne comprendraient pas que je leur dise non. Par exemple en Indonésie, l’on a constaté que dans le secteur privé, les entreprises montées par les indonésiens de naissance font long feu, car une fois installée, elles croulent sous le poids des relations culturelles et familiales. En revanche quand elles sont dirigées par des chinois, elles sont gérées avec rigueur, quand bien même ils travaillent en famille. En conséquence, les chinois qui font 3% de la population indonésienne contrôlent 80% de l’économie. Les indonésiens toute honte bue vont systématiquement détruire les biens des chinois en cas d’émeute par jalousie en se défaussant de leurs impérities.
Le cas d’Air Gabon est un parfait exemple.
Une compagnie qui a coulée alors que toutes les autres compagnies du secteur de la sous-région se sont effondrées : Air Zaïre, Cameroon Airlines, etc. OBO n’avait pas cessé de fermer les yeux sur les incompétents du G2 qui y faisaient la loi. Feu François Owono-Essono avait bien redressé la compagnie, mais les enfants d’OBO sont venus la couler derechef.
Dans les années 60-70 le Gabon disposait d’un socle économique autour d’entreprises nationales et de Régies nationales dans tous les secteurs et même dans le domaine agricole. Les nouveaux cadres frais émoulus commençaient à prendre le relais des français. Mais à partir de 1976, l’Etat gabonais a commencé à perdre la tête. Pour revenir à la SEEG, sous Jean-Clément Didjob Divungi di Ndinge. De nombreux cadres de sa région y avaient des postes fictifs et cher payés, dont des directeurs à la DG bidon. Pis son grand-frère Pierre-Claver Divungi émargeait au budget de l’entreprise.
Les emplois fictifs étaient légions dans les entreprises publiques. L’abus de bien social est parfaitement légalisé au Gabon depuis 54 ans au détriment de l’intérêt général. Cela ne résultait pas du fait qu’elles étaient publiques. Mais parce qu’elles agissaient dans un environnement institutionnel miné par l’irresponsabilité. Le régime n’étant pas soumis à un contrôle citoyen, il est conscient qu’il n’a point besoin du vote des citoyens pour exister. Il n’est donc pas obligé de répondre ni aux demandes des usagers ni aux exigences des audits publics. Le Gabon battait le record des DG et DGA, mais sans que l’on se sache qu’elle était la feuille de route. Le fait du prince était la culture de gestion publique. Aussi les théoriciens de l’école des choix publics ont fini par croire que les entreprises publiques favorisent la gabegie et ne valent pas la peine, car les dirigeants ne recherchent que des avantages acquis. Cette théorie déjà discutable dans les pays industrialisés ne tient pas dans nos contrées. Sous l’idéologie néolibérale, il convient donc de privatiser ce qui fut une erreur fatale.
De fait les interlocuteurs de ces institutions internationales n’avaient ni la culture théorique pour les combattre ni l’expérience technique pour les déconstruire. Le protectionnisme est la condition de formation d’aune accumulation nationale. Pour illustrer le protectionnisme, il suffit de prendre le cas de nos animaux de basse-cour ou de compagnie. Par exemple vous observerez que quand votre poule couve ses œufs, elle ne vous autorisera plus à les toucher. Et quand elle a pondu ses poussins elle les protège et ne vous laissera jamais le soin de les approcher. Il en est de même pour les chiennes avec les chiots. Ce n’est que lorsque les petits sont suffisamment solides qu’elles les lâchent. Et bien le protectionnisme c’est exactement cela.
Le nationalisme économique, c’est la rigueur économique et financière et donc le meilleur antidote contre l’austérité. Tandis que le populisme macro-économique c’est la propension à dépenser sans compter, et soumettre l’économie à un régime de gaspillage. L’environnement extérieur est aussi décisif. En ce sens que les concurrences allemandes, anglaises ont fait pression sur la France qui a dû se battre pour se développer, donc éviter la concurrence des autres. Tout comme la concurrence de japonais a eu un effet mobilisateur sur la Corée du Sud ancienne colonie japonaise. Le nationalisme est donc la maitrise de l’industrialisation et non l’ouverture prônée par des pays du nord en quête de débouchés pour leurs produits. Le nationalisme ce n’est pas la xénophobie. C’est une définition de soi comme collectivité vivante. Et toute définition est une négation. Mais dans nos contrées tous les pays voisins sont eux-mêmes embourbés et sans perspective. Ils ne nous font pas pression, au point que leurs ruptures économiques n’ont pas d’impact sur nous et vice-versa. Nous relâchons ainsi l’effort, alors que cela devrait être le contraire.
Quand on défend les couleurs nationales en sport on fait tout pour ne pas se faire battre par les équipes des pays voisins.
Il ne sert à rien de dénoncer les étrangers si vous n’êtes pas capables de donner le change. La main basse du Maroc et des syro-libanais sur l’économie gabonaise est moins mise en exergue que la sempiternelle vilaine France mère de tous nos malheurs. Des pans entiers de l’économie gabonaise dont une entreprise comme TractAfric ou le secteur bancaire appartiennent au Maroc donc au Roi. Par exemple un gabonais peut monter une boulangerie à côté de celle d’un étranger. Si son service est meilleur, eh bien tous les clients se tourneront vers lui et abandonneront son concurrent qui sera obligé de fermer ou vendre. Et au fil des ans, ce gabonais aura une chaine nationale. Le nationalisme économique que je définis comme la capacité de former une accumulation de capital interne, qui crée ou soutient par une stratégie d’intégration nationale des agents économiques nationaux autour d’un socle public ou parapublics en protégeant les industries naissances. Donc l’Etat n’est plus une externalité positive mais un acteur décisif. Ce qui exige donc un Etat fort qui n’a pas peur de la concurrence.
Il n’y a pas de développement possible pour les pays attardés sans un Etat fort.
Cet Etat stratège qui sait montrer la voie et former des agents économiques nationaux. Il se trouve que les Bongo ne veulent pas de concurrents nationaux qui risqueraient de les évincer. Ils font tout pour que tout le monde vienne manger dans leurs mains jusqu’à leur lécher les doigts. Ils ne se soucient guère de l’avenir du Gabon. Ils vont tenter de phagocyter tous ceux qui s’essaient. Et de leur côté, les gabonais préfèrent vivre aux basques de l’Etat sans prendre des risques. La corruption doit être repensée. Par exemple la corruption est plus élevée en Asie que dans nos contrées. Mais en Corée du sud par exemple, l’Etat soutenait les groupes qui avaient des marges. Il savait faire alliance avec des groupes privés majoritairement familiers que l’on faisait travailler pour l’intérêt du privé. Les grandes enseignes coréennes connues sont des entreprises familiales gérées par des membres d’une famille bien formés voire des membres de la famille présidentielle, surtout Park Chung Hee (1961-1979). Puis l’argent de la corruption est réinvesti sur place. Voire forcé par l’Etat à le faire.
En revanche, dans nos contrées, l’argent va en occident, dans les caraïbes ou désormais dans les pays du golfe notamment Dubaï. On peut être un corrompu mais être un bon nationaliste. De nombreux cas existent en Asie du sud-est. Un Etat, peut s’illustrer par des bandits qui s’affrontent dans un quartier. Puis il y a un bandit qui finit par désarmer tous les autres et devenir le seul qui règne. Il ne tolérera plus de petits bandits intérieurs.
L’Etat gabonais est un conglomérat de fiefs comme l’OPRAG qui est le monopole du G2. C’est bien pour les bénéficiaires individuels, mais c’est un manque à gagner pour le pays. Ce sont ici des exemples de populisme macro-économique, que l’on définira comme : « une approche de l’économie qui met l’accent sur la croissance et la distribution des revenus et met l’accent sur les risques d’inflation et de financement déficitaire, les contraintes externes et la réaction des agents économiques aux politiques non marchandes agressives » Le début d’un cycle populiste se situe généralement après un programme de stabilisation. L’économie a des capacités inutilisées et le budget et la balance extérieure ont encore de la place pour une politique expansionniste.
La phase I comprend une forte augmentation des dépenses publiques et une augmentation des salaires réels et de l’emploi. Le produit intérieur brut augmente et l’impact sur l’inflation est faible. Les pénuries sont atténuées par les importations. Il y a une réduction des réserves ou un défaut de paiement.
La phase II comprend une inflation galopante, bien que les salaires se maintiennent. Les goulets d’étranglement entraînent des contrôles des prix et des changes. Le déficit budgétaire augmente fortement du fait des subventions. L’économie s’enfonce dans la stagflation.
La phase III est caractérisée par des pénuries, une accélération extrême de l’inflation (éventuellement une hyperinflation) et une fuite des capitaux. Une baisse des recettes fiscales conjuguée à une inflation élevée se traduit par une augmentation du déficit budgétaire (effet Tanzi). Une tentative de stabilisation par la réduction des subventions et la dévaluation entraîne une baisse des salaires réels. Comme le dit le journal, « la politique devient instable. Il devient clair que le gouvernement a perdu.
Phase IV : Un nouveau gouvernement met en œuvre des politiques orthodoxes pour stabiliser l’économie. Une fois l’économie stabilisée, les salaires réels auront baissé plus bas qu’avant le début de la phase I ». Le Gabon n’a jamais dépassé la Phase I du modèle ici qui fait assez de dégâts.
La littérature sur les Etats développeurs est fournie.
Et l’on peut examiner et interpréter le modèle mauricien. Il se trouve qu’il y a une part substantielle de la littérature sur les Etats développeurs qui est consacrée aux pays d’Asie de l’Est. De fait, le succès des pays d’Asie de l’Est dans la seconde moitié du 20e siècle a attiré l’attention de nombreux observateurs. L’économiste français André Frossaert ne tarissait pas d’éloges a l’égard de Singapour qu’il ne cessait d’opposer aux situations africaines.
De fait, des pays comme le Japon, la Corée et Taïwan ont connu pendant la période d’après-guerre des taux de croissance impressionnants et une industrialisation rapide. Les modèles de croissance qui reposent sur la création d’entrepreneurs individuels selon les règles du marché n’ont pas pu prédire ni expliqué le type de transformation qui s’est produit en Asie de l’Est. L’analyse empirique soutient que l’Etat a joué un rôle essentiel dans ce processus sans précédent de transformation économique et sociale, ce qui explique la raison pour laquelle de tels Etats ont été qualifiés de développementistes (développeurs). On définit l’Etat développementiste (que je préfère appeler stratège) comme un Etat qui prend au sérieux les objectifs de croissance à long terme et de changement structurel et qui a en même temps le potentiel de créer et de réguler les relations politiques et économiques nécessaires à une industrialisation durable. C’est loin d’être un long fleuve tranquille. Bien au contraire, car les conflits sont inévitables au cours du processus de changement. Mais la gestion politique de l’économie aide à les atténuer. Avec un engagement dans l’adaptation institutionnelle et l’innovation est également nécessaire pour atteindre les objectifs généraux de croissance et de changement structurel. C’est le cas de l’Etat sud-coréen en tant qu’entrepreneur de dernier en dernier ressort. On y a constaté qu’en dépit de la violation des canons de la théorie économique conventionnelle, l’économie coréenne a connu une croissance exceptionnelle. De nombreux éléments et conditions sont nécessaires à l’émergence et à la consolidation d’Etats stratèges. Les Etats développeurs réussissent grâce à leur capacité à construire un appareil d’Etat efficace et technocratique. Ce faisant « l’élément fondamental de la capacité des Etats développeurs à réaliser leur projet de développement était leur capacité politique à imposer et à intérioriser leur logique aux sociétés ». En d’autres termes, le succès des Etats développeurs dépendait en grande partie de leur capacité à contrôler les relations Etat-société.
L’étude de la Banque mondiale, souvent citée, intitulée « The East Asian Miracle : Economic growth and public Policy », publiée en 1993, en réponse à la marée montante de la littérature sur le rôle de l’Etat dans le développement économique de l’Asie de l’Est, tout en reconnaissant que l’Etat a joué un rôle important dans la transformation économique des économies d’Asie de l’Est, mais la Banque mondiale possédée par le néolibéralisme avait fait valoir que ce rôle avait été surestimé. Le rapport avait même soutenu que si l’intervention de l’Etat était davantage altérée, les pays d’Asie de l’Est auraient pu connaître un développement encore plus rapide. Cette vision d’une « intervention excessive de l’Etat » comme obstacle est infirmée par les analyses empiriques et non les modèles imaginaires de la Banque mondiale. Cette idéologie a anémiée le Gabon. Surtout faute de ressource humaine hautement qualifie et maitrisait la littérature internationale sur ce sujet. Et de plus quand cela leur est vendu par des blancs, les gabonais sont incapables de tenir la dragée haute. Je vous ai déjà expliqué en quoi les modèles de la Banque mondiale sont jetables. Ils ne comprennent pas nos sociétés.
Au Gabon on a privatisé des fleurons nationaux contre toute logique nationaliste.
Tout le contraire ce qu’il fallait faire. Un Etat stratège au Gabon se définirait donc comme : « des Etats dont la politique a concentré suffisamment de pouvoir, d’autonomie et de capacité au centre pour façonner, poursuivre et encourager la réalisation d’objectifs explicites de développement, que ce soit en établissant et en promouvant les conditions et l’orientation de la croissance économique, ou en l’organisant directement, ou une combinaison variable des deux ». Il faut donc se doter des moyens d’un Etat autrement dit : mobiliser et déployer des ressources financières, nous en dit plus que tout autre facteur sur ses capacités existantes et immédiatement potentielles à créer ou à renforcer des organisations étatiques, à employer du personnel, à coopter un soutien politique, à subventionner des entreprises économiques et à financer des programmes sociaux.
Plus important encore, un Etat développementiste doit être socialement ancré. Il faut donc une bureaucratie de type « wébérienne » qui about avec immersion intense avec la structure sociale environnante. La manière dont cette combinaison contradictoire est réalisée dépend bien sûr à la fois du caractère historiquement déterminé de l’appareil d’Etat. Et de la nature de la structure sociale dans laquelle il s’inscrit. Il y a 3 éléments de base attachés à la compréhension des Etats stratèges :
- L’idée d’autonomie de l’Etat
- La Capacité de l’Etat à piloter le développement du pays.
- le développement d’une stratégie industrielle locale et nationaliste. Ce qui facilitera une « autonomie intégrée» à l’économie mondiale. Mais pour s’insérer au monde, il faut d’abord s’insérer nationalement. C’est-à-dire : mettre en place, un ensemble concret de connexions qui lient l’Etat de manière intime et agressive à des groupes sociaux articulés, avec lesquels l’Etat partage un projet commun de transformation et la capacité de l’Etat à fournir des canaux institutionnalisés pour la négociation et la renégociation continuelles des objectifs et des politiques. Ainsi, l’autonomie enracinée nécessite des relations étroites entre l’Etat et la société, un engagement fort envers les objectifs de développement et une bureaucratie forte et efficace avec la capacité d’exécuter ces objectifs. En somme, un régime nationaliste.
En Corée du sud, ils parlaient non seulement d’entreprises nationales mais surtout « nationalistes ». Un cas à méditer. Aussi, au lieu de faire des dépenses inutiles donc du populisme macroéconomique, il convient d’imaginer des coalitions gagnantes ici la triple alliance regroupe l’Etat gabonais aux finances dévergondées parce que confisquées par un groupe, des multinationales ne traitant qu’avec la famille Bongo. Ce qui implique qu’il faille sortir des sentiers bongoïstes. Le discours soporifique d’ABO est l’exemple des réflexes narcissiques à abandonner. Les pays qui ont réussi sont ceux qui ont su se définir et donc repenser les termes du débat sur le vivre ensemble. L’autisme du régime Bongo-PDG a bon dos. Il faut en finir avec les 54 piteuses.
Aristide Mba