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Interview du général Jean Philippe Ntoumpa Lebani : « Ali Bongo Ondimba n’a pas tenu ses promesses »

Ancien officier de la GR, ancien patron des renseignements, aujourd’hui conseiller technique à la Caisse des pensions et des prestations familiales des agents de l’Etat, le général Jean Philippe Ntumpa Lebani, qui a connu le bagne de Sans-famille, accusé d’avoir fomenté un supposé coup d’Etat, est sorti de sa réserve et a salué l’acte posé par les siens en dégageant le régime des Bongo-Valentin-PDG du pouvoir et en rendant les Gabonais enfin libres. Il milite pour « une armée forte au service d’institutions fortes ».

Bonjour, mon général ! Vos frères d’armes viennent de prendre le pouvoir au Gabon sans effusion de sang. Comment appréciez-vous cette situation ?

C’était le moindre mal. Le pays en avait besoin. Nous sortons de loin. Après plusieurs années de paix, d’amour pour son prochain sous le règne de feu président Omar Bongo Ondimba, le passage de témoin entre deux générations, à savoir les 42 ans de feu Omar Bongo Ondimba et le président élu Ali Bongo Ondimba, n’a pas tenu ses promesses. L’espoir escompté par le peuple gabonais est tombé à l’eau. C’est regrettable, car en 2009, nous avons pleuré, en 2016 le sang a trop coulé au Gabon.
Pourtant, le président Ali Bongo Ondimba avait toutes les cartes entre ses mains pour réussir. On réalise finalement que ce que le vieillard voit étant assis, un jeune debout ne peut le voir. Les forces de défense et de sécurité ont pris leurs responsabilités pour réellement libérer le pays, car depuis 2009, le peuple était opprimé, embrigadé par les forces du mal. En tant que membre de cette communauté, je ne peux qu’en être fier et je félicite tous ceux qui ont pris part à cette opération en tête desquels « mon jeune », le général Brice Clotaire Oligui Nguema, à l’image de l’immense allégresse qui s’est emparée de toute la population gabonaise aux quatre coins de la République. Ce qui veut dire que l’acte posé était quasiment d’inspiration divine. C’est vous dire que la main de Dieu est sur le Gabon, car Dieu fait toutes choses en son temps.

Vous avez eu sous votre commandement, en qualité de commandant en chef en second et chef d’état-major général de la garde républicaine, l’actuel chef de l’Etat. Cela suppose que vous le connaissez bien. Pensez-vous qu’il a l’étoffe pour mener à bien cette transition ?

C’est un officier brillant, intègre, qui fait partie de l’élite de ce corps. C’est la raison pour laquelle il avait été choisi par feu président Omar Bongo Ondimba pour être son aide de camp et son homme de confiance. C’est l’homme de la situation, car il y a homme et homme. C’est un homme fidèle, sincère, loyal, disponible pour le bien-être de ses troupes. Il sait se donner sans compter. De nombreuses preuves sont là pour le confirmer. Depuis son retour du Sénégal, où il a servi comme attaché de défense, par exemple, et nommé commandant en chef de la garde républicaine, il a fait rayonner ce corps sur le plan des personnels et du matériel. Chacun peut le constater. Les casernes de la GR ont été rénovées. Un économat, qui fait l’admiration de tous, a été construit. Même les civils ont la possibilité et l’opportunité d’organiser des évènements privés là-bas ; entre autres, les anniversaires et les mariages. Les ressortissants d’un grand pays ami, la Côte-d’Ivoire, pour ne pas la citer, avaient organisé dans cette installation de la GR leur fête nationale l’année dernière. C’est dire si ce cadre est idoine.
Maintenant que le général Brice Clotaire Oligui Nguema est devenu le chef de l’Etat, chef suprême des armées, je ne doute pas un seul instant que cet esprit de développement qui l’a habité à la tête de la GR, dans le sens de l’amélioration des conditions de vie et de travail de ses troupes, va se s’étendre à l’ensemble des neuf provinces du pays. Les populations de Makokou, Tchibanga, Franceville, Oyem, Mouila ou Lambaréné connaîtront bientôt les mêmes améliorations de la qualité de vie. Le Gabon a un nouveau visionnaire à sa tête après les présidents Léon Mba et, bien sûr, Omar Bongo Ondimba.

Le chef de la transition vient de rappeler aux militaires, réunis à base aérienne de Libreville, la nécessité d’être discipliné. Cela voudrait-il dire qu’il y aurait dans la troupe des états d’âmes ?

La discipline faisant la force principale de toutes armées, le chef de l’Etat, chef suprême des armées, voulait, à cette occasion, entretenir ce message à la troupe. Porter l’uniforme est un honneur. Nous devons donc être exemplaires dans tout ce nous faisons et dans les actes que nous posons partout où nous sommes, car le peuple nous regarde et nous juge. C’est le principal enseignement que j’ai retenu de cet exercice. Au-delà de cela, vous êtes sans ignorer que le chef de l’Etat est l’homme le mieux renseigné. De surcroît, il a dirigé l’un des principaux services de renseignement du Gabon : la Direction générale des services spéciaux (DGSS). Il a sans doute, à cette occasion aussi, voulu resserrer les rangs.
Il était temps de remettre de l’ordre dans l’ensemble de la troupe, lui inculquer, s’il en était besoin, le devoir de l’instant qui est la nécessité pour les forces de défense et de sécurité de conduire le Gabon désormais à bon port. Il était important de maintenir cette fraternité d’arme qui a été symbolisée par un grand défilé militaire réunissant tous les corps le 17 août dernier. Et, le 30 août, soit deux semaines plus tard, les forces de défense et de sécurité étaient de nouveau ensemble, unies comme les cinq doigts de la main, pour faire ce coup d’éclat et de la liberté au grand bonheur de nous tous.

En vos qualités de général et d’ancien, avez-vous des conseils ou des recommandations à faire à vos frères d’armes pour mener à bien cette transition ?

Non. Aucun conseil ni recommandation ! J’aurai l’opportunité de rencontrer le président de la transition, chef de l’Etat. A cette occasion, je pourrai lui dire certaines choses en tête-à-tête et en militaire dans l’intérêt du Gabon. Permettez-moi que je ne puisse pas le dire ici malgré la tribune que vous m’avez offerte. Revenant à la substance de la question, les militaires savent parfaitement l’essence de leur mission. Ils doivent, par conséquent, maintenir ce cap. Un militaire est un homme de parole et d’action. Remettre de l’ordre dans la maison Gabon. Quand l’ordre sera de retour et définitivement établi, l’armée repartira dans les casernes. Mais, attention ! Si les mêmes dérives se reproduisent, l’armée agira de la même manière pour ramener l’ordre. C’est déjà une réalité pour de nombreux pays du Sahel que je n’ai pas besoin de citer ici.

Le chef de la transition a intégré l’armée dans la haute administration. Cette mesure ne laisse-t-elle pas présager une transition sans fin puisque les militaires risqueraient fort de s’en accoutumer et sans doute ne plus vouloir retourner dans leurs austères casernes ?

Au risque de me répéter, la vocation première de l’armée n’est pas de prendre le pouvoir ni d’occuper des postes dans la haute administration. Mais quand la gabegie a atteint des sommets, quand les détournements de fonds publics deviennent la règle en matière de gestion des finances publiques, quand cette notion semble véritablement habiter un grand nombre de responsables civils, traduisant par là l’absence d’amour pour la patrie, malheureusement, cela amène l’armée à s’impliquer davantage dans le processus de gestion. Mais l’armée reste, malgré tout, l’outil privilégié pour défendre nos frontières, assurer la sécurité des personnes et des biens et garantir la stabilité de nos institutions.
Une armée forte au service d’institutions fortes. Le président Obama a eu cette phrase qui doit nous interpeller. « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes ». C’est le sens de l’intervention des militaires actuellement. Redonner au Gabon des institutions fortes à l’instar des pays anglophones d’Afrique.

Le chef de la transition lui-même, en voulant s’occuper de tout dès à présent : routes, écoles, emplois des jeunes, Libreville 2, des projets qui s’inscrivent dans la durée, n’est-il pas en train d’indiquer par là qu’il est définitivement au pouvoir au lieu d’être à la tête d’un pouvoir transitoire ?

Je ne le pense pas. Il donne le cap. Le président de la République, qui est un visionnaire comme je l’ai indiqué plus haut, élabore là un cahier de charges dans lequel tous ses successeurs doivent évoluer. Cela va éviter de retomber dans les errements du passé. Comment concevez-vous qu’un Etat puisse adopter un budget sans pouvoir l’exécuter conformément à son contenu, c’est-à-dire conformément au vote de son Parlement ? Le président de la République, en initiant plusieurs projets dont la réalisation dépasse largement le chronogramme qu’il vient de fixer et qui court jusqu’en 2025 comme vous le savez, fixe un cap, élabore une feuille de route, établit un cahier de charges.
Son successeur, avec, sans doute, une sensibilité propre, ne pourra pas se soustraire de ce canevas. Dans tous les cas, pour moi, rien ne pourra plus sortir de la voie qu’est en train de tracer le président de la République. On vivra sans doute longtemps, plusieurs décennies sous l’ère du général Brice Clotaire Oligui Nguema au regard de la forte adhésion de la population à sa démarche avec son successeur, si successeur il y a.

Comment voyez-vous et qu’attendez-vous du dialogue national annoncé ?

A mon avis, c’est un dialogue de trop. Nous avons eu la Conférence nationale de 1990. Elle nous a donné la démocratie. Puis sont venus les dialogues d’Angondjé, d’Arambo et bien d’autres qui n’ont eu que la particularité de coûter très cher à l’Etat sans qu’au bout il en soit sorti quelque chose de positif pour le Gabon si ce n’est la formation de gouvernements pléthoriques qui ont coûté cher aux finances publiques. Je vous mets au défi de me dire les avancées, tant démocratiques que sociales apportées par tous ces dialogues post-1990. Je crains que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le dialogue annoncé ne finisse également en saignée des fonds publics sans nécessairement apporter une valeur ajoutée. Tout a été dit, tout a été documenté. Ne perdons plus de temps en parlotte, inscrivons-nous tout simplement dans la feuille de route qu’est en train de dérouler le chef de l’Etat ! Donnons à cette feuille de route une pérennité de vingt ou trente ans avant de la réévaluer. Comme vient de l’indiquer le Premier ministre Raymond Ndong Sima, « on ne dirige pas un pays en fonction des réseaux sociaux », c’est-à-dire dans l’émotion permanente. Il faut être pragmatique.
Le Gabon est un pays béni où coulent le lait et le miel pour un petit peuple en nombre. En moins de trois mois de pouvoir, on a vu que le général Brice Clotaire Oligui Nguema a fait bouger beaucoup de lignes. Une partie de la dette extérieure a été remboursée, de nombreux chantiers, arrêtés depuis longtemps, reprennent. Le social n’est pas en reste. Ce, sans dialogue préalable.
En quatorze ans, malgré de multiples dialogues, d’autres n’ont pas pu le faire. Il faut éviter au pays la résurgence des « professionnels du dialogue » qui n’ont qu’un objectif : capter à bon compte les deniers publics. Cet argent sera plus utile, par exemple, pour relancer les fêtes tournantes. Allez y admirer la Guinée Equatoriale en Afrique centrale ! Vous verrez ce qu’a produit la rigueur du président Obiang Nguema Mbazogo ou la Côte-d’Ivoire en Afrique de l’ouest avec le président Alassane Ouattara. Utilisons nos ressources pour développer le pays au lieu de nous plonger dans un dialogue coûteux qui n’aura jamais de fin.

Votre mot de la fin

Le mal du Gabon, c’est nous-mêmes. Il faut extirper urgemment cet accaparement des biens publics par des personnes privées. Dès que l’on vous donne une parcelle de pouvoir ou de responsabilité, cela devient automatiquement une propriété familiale. Ayons sans cesse en tête « Gabon d’abord ». Gabon d’abord comme le disait feu président Léon Mba.

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