En engageant une procédure judiciaire contre deux (2) ministres en fonction, leurs cabinets respectifs et de puissants DG (DG commercialisation du Bois, DG Douanes), le Procureur de la République mesure-t-il l’ampleur de la tâche, des blocages et risques éventuels qu’il encoure dans ce dossier, y compris le risque d’être pris au piège (corruption) ?
L’enquête sur les 353 containers de Kevazingo a été confiée à la Police Judiciaire (PJ) et à la Direction générale des recherches (DGR). Des services gouvernementaux jugés pugnace, parfois intraitables et brutales. Comme l’affirme ce gendarme sous anonymat, quelques soit les enquêtes (crimes rituels, délinquance financière, autres), le travail est souvent correctement fait sur le terrain par les OPJ. C’est à la hiérarchie, notamment au parquet (bureau du Procureur) qu’il revient de donner les suites judiciaires des affaires. C’est-à-dire que dans le système judiciaire gabonais, le rôle du Procureur est très déterminant. C’est le parquet encore appelé le Ministère public qui est chargée de défendre l’intérêt général ou de la collectivité et l’application de la loi. Le Ministère public peut exercer l’action publique pour les infractions pénales causant un trouble à l’ordre public et être à l’initiative des poursuites.
Dans cette affaire de Kevazingo, les infractions au Code pénal et au code forestier sont multiples : associations de malfaiteurs (13 hauts fonctionnaires et agents actuellement, la liste pourrait s’allonger), abatage illégal d’une essence interdite, destruction des scellés et enlèvement dans un entrepôt public d’une cargaison de bois interdite, trafic d’influence, corruption active et passive. Des peines qui vont de 3 à 5 ans d’emprisonnement ferme assortie d’amendes, voire de peines d’inéligibilité temporaire au regard du fait que ce sont des acteurs politiques de premier rang qui sont cités.
Sous réserve du principe de la présomption d’innocence, ces hauts fonctionnaires encourent de peines fortes. Il s’agit entre autres (ministère des Forêts), Lin Mandjoupa Directeur de cabinet du ministre des Forêts, Serge Rufin Okana Secrétaire général dudit ministère, de Lucrèce Badjina Directrice générale de la Forêt, Ginette Ngombet Issina Directrice générale des industries, du commerce du bois et de la valorisation des produits forestiers, Eurold Luce Mapaya chef de brigade contrôle Owendo, Ghislain Makita Idzendo agent à la brigade de contrôle d’Owendo, Grâce Carine Okani agent à la brigade de contrôle d’Owendo. Au ministère de l’Economie, ce sont précisément Pierre Claver Mfouba Directeur de cabinet du ministre de l’Economie Jean Marie Ogandaga et Jeannot Kalima (ancien bagnard) Secrétaire général dudit ministère qui ont été suspendus. A ceux-là, il faut ajouter Dieudonné Lewamousso Obissa, Directeur général des Douanes et des droits indirects, Jean Christian Ndong Bibang Directeur régional des douanes et des droits indirects de l’Estuaire, Eric Damas directeur des services de surveillance des douanes font aussi l’objet de cette mesure conservatoire.
Attaquer tout le monde pour éviter une justice à géométrie variable
La justice ne devant pas se faire à géométrie variable dans cette scandaleuse affaire, Guy Bertrand Mapangou et son acolyte de l’Economie Jean Marie Ogandaga seront-ils les premiers membres d’un gouvernement en fonction qui vont d’une part être démis ou qui vont démissionner eux-mêmes pour rendre les comptes à la Justice et d’autre part, seront-ils aussi les premiers à aller derrière les barreaux pour corruption et trafic d’influence ? Quid de l’ancien ministre PDG (Bitam) Emmanuel Ondo Methogo qui est aussi l’un des maillons de cette chaine, situé en amont, à qui Guy Bé avait signé illégalement (en contrepartie de quoi ou de combien ?) une fausse (puisque illégale) autorisation d’exploitation du Kévazingo ?
Tous ces gens ont trahi leur chef politique Ali Bongo. Mais aussi le peuple gabonais. Il s’agit pour ces ministres d’un cas flagrant de « haute trahison » face à un opérateur économique chinois qui se balade avec des espèces sonnantes et trébuchantes dans un sac. Voyons à quel point ce pays est tombé bas, voire s’est fait enterrer par des profito-situationnistes bongoïstes.
Le Procureur Kevin N’Zaou est donc devant ses responsabilités. Il court, entre autre, le risque lui-même d’être acheté pour que l’enquête piétine et ne soit oublié par l’opinion. C’est du déjà vu dans ce pays. La montage de la justice a souvent accouché de petite souris avec l’ouverture, tambour battant, de ce genre d’enquête. C’est donc au Procureur de montrer qu’il est intraitable. Les pressions ne viennent pas seulement du côté politique, mais aussi dans la maison justice où des hauts magistrats, selon des sources, ont aussi des ramifications dans ces réseaux.
Affaire à suivre.