Depuis le lundi 24 décembre 2018, dit-on officiellement pour y passer les fêtes de fin d’année, le roi du Maroc, qui accueille le dictateur gabonais, son ami Ali Bongo à Rabat depuis son AVC, séjourne dans notre pays. Si l’homme est un visiteur habituel du pays, voire un amoureux du Gabon, sa visite, en cette période sensible, cache plutôt, selon de nombreuses sources, une visite cependant à forte tonalité politique.
Mohamed VI, le souverain des Marocains, cristallise depuis un mois les critiques de l’opinion gabonaise qui voit en lui le défenseur de la dynastie Bongo au pouvoir au Gabon depuis 50 ans déjà de père en fils. Si la monarchie est historiquement ancrée dans la culture et la vie politique du Maroc, le Gabon n’est guère un royaume, n’en déplaise aux Bongo qui rêvent de gérer le pouvoir éternellement au Gabon comme la dynastie des Alouites au Maroc de père en fils depuis plusieurs siècles. Les Bongo, dont curieusement la gestion du pays n’est en aucun point comparable aux progrès économiques, sociaux et infrastructurels tangibles au Maroc sous « M6 », vont dégager et sous peu soit par la voie démocratique des urnes, soit par le pouvoir du peuple à se défaire de ses tyrans comme le reconnait la déclaration universelle des droits de l’Homme et des Peuples de l’Onu de 1948.
Une chose est sûre. Dans le contexte actuel, c’est que cette visite du roi du Maroc porte sur un malade pas comme les autres qu’il héberge chez lui. Un chef d’Etat étranger ne peut venir passer les fêtes de fin d’année loin de son propre pays, de surcroît un monarque qui est doublé de la casquette de « commandeur des croyants » (Oumma) du Maroc. Il a un discours de fin d’année à prononcer devant ses « sujets ». Mohamed VI, qui n’est pas chrétien, n’est donc pas venu communier Noël avec Basile Mvé Engone, l’un des grands prélats qui mangent à la table de l’enfant-roi du bord de mer de Libreville, ci-devant Boa. Diplomatiquement, ce genre de consultations, durant les crises, sont masquées par des visites dites « privées » ou de « travail » et portent en réalité sur la crise socio-politique et la médiation. Généralement, ce sont d’autres chefs d’Etat qui envoient l’un d’eux pour s’entretenir avec leur homologue et lui donner leur position ou lui demander de partir. Mais comme Boa est absent et que M6, il faut le dire, n’est pas au même niveau social ou politique que certains tenants, « provisoires », de l’Exécutif, n’a pas voulu placer officiellement ce séjour comme une visite de travail et d’amitié, mais plutôt comme une visite privée à la Pointe-Denis. Avec ses conseillers, M6 va recevoir du beau monde, presque de tous les bords politiques ou se limitera à échanger avec ses « frères », c’est à dire la descendance des Bongo, Mborantsuo et quelques hauts gradés du régime comme le PM, le VPR ou la présidente du Sénat, pour qu’ils s’entendent sur un nom, peut être sur celui que Boa voudrait à sa suite. Le tout dans le but de préserver les avantages du clan.
La guerre de succession étant ouverte en coulisse entre les Téké eux-mêmes et l’opposition divisée en deux blocs (d’un côté Jean Ping et sa bande et, de l’autre, Nzouba-Myboto-Chambrier), le séjour du Marocain vise à rechercher un compromis politique qui puisse préserver la stabilité et, surtout, la continuité des Bongo.
Après le blocage de la mission de l’Union africaine que Paul Kagamé, le président rwandais, voulait envoyer à Libreville en début novembre pour exiger le respect de la Constitution (déclaration de la vacance du pouvoir, application de l’article 13 de la Constitution et transition par le président du Sénat), la visite privée de Mohamed VI, gérée par quelques membres du cercle fermé du pouvoir, semble être une initiative française pour essayer de reprendre la main sur ce dossier de la succession de Boa.