Entre assassinats politiques (Germain Mba, Joseph Rendjambé, Martine Oulabou, sans parler des rivaux qui osaient conter fleurette à Joséphine qu’il liquidait en douce…), l’application de la peine mort, les tortures dans les prisons politiques du régime sous le parti unique et les enjoliveurs qu’il avait portés dès 1990 après la Conférence nationale (démocrate, sage, doyen de l’Afrique), Omar Bongo a laissé un Gabon traumatisé par quatre décennies de règne sans véritable essor économique, sans infrastructures et sur fond de carence de démocratie et d’inégalités sociales criardes.
Que les Bongoïstes célèbrent la mémoire de leur père et de celui qui a fait en sorte que plusieurs « chiens » deviennent des « ministres » et des « chats, des généraux » et vice-versa, on ne fait que reprendre sa propre maxime de l’époque selon laquelle « je suis le seul homme au monde qui peux faire d’un chien un ministre et d’un chat un général », cela n’est pas étonnant. Mais que le reste des Gabonais se taisent sans se mobiliser pour célébrer d’une autre façon le fait que sa disparition ait ouvert enfin la possibilité de rêver au-delà des blocages qu’il avait posés. Omar Bongo Ondimba a passé son temps à enrichir sa cour, c’est-à-dire ses lieutenants politiques des neuf provinces et surtout ses parents du Haut-Ogooué, de l’Ogooué-Lolo et ses soutiens de la Françafrique. Le développement du Gabon, tout comme la paix, étaient de vains mots pour lui. Car il leur donnait une connotation réduite à sa personne : les Gabonais devaient le laisser gérer comme il l’entendait, sans pression, ni menace et c’est lui-même, quand il le souhaitait, qui devait faire des « surprises » aux populations, c’est-à-dire des « dons » et « mesures sociales de gratuité ». Le clientélisme, le régionalisme, le sentimentalisme, le paternalisme au bénéfice quelques familles et opportunistes de tous horizons qui avaient la chance d’être amenés au palais et qui voyaient leur vie changer du jour au lendemain « grâce à Yaya Omar ».
Quel héritage a-t-il laissé aux Gabonais ?
D’aucuns disent la paix, la stabilité. Mais laquelle au juste ? Il n y a jamais eu de véritable stabilité sous Omar Bongo. Sauf, celle obtenue par la menace de la mort, des assassinats politiques ciblés, les tortures dans les sous-sols du B2 ou de la présidence ou le silence, très répandu, après avoir pris une mallette d’argent au terme d’une contestation politique ou syndicale. Omar Bongo a régné par l’argent, tout au long d’une période où régnaient également assassinats et terreur. Les Gabonais ont fini par devenir « pragmatiques », voire lâches pour certains observateurs. Et cela, au regard des cas de répression dans les années 1970, 1980 et début 1990 de ceux qui avaient osé défier le pouvoir. D’où l’expression née sous lui : « On va encore faire comment ». Les Gabonais n’étaient pas des citoyens mais des « assujettis » à sa personne, à son clan, à sa politique, à son parti, à son système, à la France.
On n’oubliera jamais les évènements de février 1990 à l’Université Omar Bongo, la répression par des milices étrangères du soulèvement populaire en février 1994 à Libreville et Port-Gentil, Lambaréné, Oyem quand Paul Mba Abessole avait remporté haut la main les élections et que Bongo avait refusé de céder le pouvoir tout en mettant les chars dans la rue, soutenu par un groupuscule de tribalistes. A l’époque, Idriss Ngari, actuel premier Vice-président de l’Assemblée nationale, était ministre de la Défense nationale. Les archives sont là et le devoir de vérité et de justice les exhumera le moment venu. Quid de l’attaque contre Radio Liberté, des empoisonnements, des séquestrations et des tortures contre les acteurs libres de la société civile ? Le musèlement de la presse privée et l’interdiction à l’opposition de tout espace d’expression libre que ce soit dans les médias d’Etat, dans la rue pour manifester pacifiquement comme le prévoit la Constitution ?
Au plan économique, c’est 40 années de gâchis. L’argent du pétrole a été dépensé hors des frontières du Gabon, notamment en France (placements immobiliers, train de vie luxueux, corruption des élites politiques de gauche comme de droite). Au Gabon, la timide modernisation infrastructurelle du pays n’avait pas été achevée. L’économie est restée aux mains des étrangers tandis que les Gabonais ont été cantonnés tous dans le salariat, donc la fonction publique pour magnifier le pouvoir et être sous contrôle. La diversification de l’économie n’a jamais été la priorité de son action. De 1990 à 2009, le régime a passé le temps à acheter les opposants politiques, quand il ne pouvait plus ou pas continuer de violenter les gens comme au début du lancement du multipartisme (1990-1994) ou comme c’était la règle sous le parti unique (1967-1989).
Bongo a laissé le Gabon dans un état critique au plan social, économique et politique. Dix ans plus tard, cette crise s’est empirée. Le spectre des coups d’Etat ressurgit (janvier 2019), c’est dire à quel niveau l’on est aujourd’hui. Le souvenir de ces dix ans de disparition doit rappeler à chaque Patriote véritable, son devoir de mémoire, car certains bongoïste sont présents dans l’opposition aujourd’hui et refusent tacitement toute forme de critique contre leur « héritage », la nécessité de se mobiliser pour relancer le combat pour libérer notre Nation des usurpateurs qui ont pris le pouvoir de force à la mort du fondateur de ce régime il y a dix ans. On sait que ceux qui ont soutenu Ali en 2009 ont reconnu s’être trompés. Ont reconnu avoir agi non pas au nom de l’intérêt national mais à cause des pactes secrets et de la « reconnaissance » qu’il avait à OBO qui avait fait d’eux ce qu’ils ont été sous lui (multimillionnaires, voire milliardaires). Mais, le pays ne sera libéré totalement que lorsque la légitimité populaire et démocratique ira s’installer au Palais du bord de mer.