Plus de 80 % d’abstention aux dernières élections législatives et locales. Un pourcentage qui en dit long. Il semble que les Gabonais, dans leur grande majorité, ne sont pas allés voter et sont restés fidèles à cette soif d’alternance qu’ils savent qu’ils n’obtiendront pas à travers les urnes. Seuls les PDGistes et ceux qui tenaient à prouver à l’opinion internationale que, pour une énième fois, ont pensé qu’on pouvait rendre au bulletin de vote sa valeur ont tiré profit de cette élection. Ils sont devenus aujourd’hui la risée de ceux qui estimaient qu’il ne fallait pas y aller.
La logique était de battre une opposition en désordre de bataille certes, mais aussi et surtout de mesurer la capacité de mobilisation de son opposition ou de ses alliés qui se considèrent encore comme faisant partie de l’opposition…modérée, à l’exemple de Démocratie nouvelle (DN), Union & solidarité (US), Parti socialiste démocrate (PSD) et Parti pour la démocratie sociale (PDS). Chacun des partis opposés au PDG avait son candidat. Et rien ne dit que, mis ensemble, ces partis, largement vomis par le peuple qui considère leurs leaders comme des traîtres, des vendus de l’émergence, allaient engranger mieux.
Toutefois, avec 80 % de taux d’abstention, on se demande au nom de qui et de quel peuple les nouveaux députés d’Ali Bongo s’exprimeront-ils à l’hémicycle? Cette Assemblée nationale, un concentré de bagnards, de repris de justice, de hors-la-loi, de filles de joie, de truands et même de présumés délinquants, ne représentera qu’elle-même. Au moment et à l’heure où le Gabon a besoin de rassembler ses filles et ses fils, d’institutions compétentes, il n’y avait, pour Ali Bongo, aucune opportunité d’organiser des élections aussi impopulaires en faisant fi de la feuille de route que lui avait soumise l’Union européenne. Un Parlement qui représente 10 à 20 % de la population ne peut se parer d’aucune légitimité. Pire, les élus du régime brillent déjà par leur arrogance, leur volonté manifeste d’humilier et d’écraser les autres…
Personne ne pourra contester à Ali Bongo cette « victoire », mais il faudra bien qu’un jour il comprenne qu’« à vaincre sans péril on triomphe sans gloire » et que la fin ne doit pas toujours justifier les moyens, y compris les moyens d’avoir recours à la triche et à la corruption. Ali Bongo et ses élus devraient plutôt en avoir honte. Ils ne peuvent pas expliquer qu’avec un bilan aussi médiocre, pour ne pas dire minable, ces milliers de Gabonais qu’ils humilient chaque jour que Dieu fait continuent tout de même à leur faire confiance… Ils devraient avoir honte d’avoir mené une campagne financièrement déséquilibrée avec une pénurie de carburant volontairement organisée.
En outre, de nombreux compatriotes, qui ont appelé à l’abstention, se sont réjouis et se réjouissent des déboires de l’opposition électoraliste. Cette opposition peut donc avoir le mérite d’avoir réussi à transformer des opposants en supporters d’Ali Bongo et son PDG. Le Christ Jésus n’avait-il pas dit : « Qui n’est pas avec nous est contre nous » ? Ce n’est pas parce qu’un des nôtres nous a déçus que nous ne devons plus croire en ses convictions. La soif d’alternance, source de développement, facteur d’unité nationale et de bonne gouvernance, est l’objectif du combat que nous menons ensemble dans notre pays, chacun avec ses armes. Cet objectif n’a jamais été atteint certes, à cause, entre autres, du schéma bien connu des PDGistes: élections-fraudes-répression sanglante-dialogue-gouvernement d’ouverture… Et le peuple dans tout ça ? Il n’y voit que du feu !
Pour certains, le fait que Jean Ping ne soit toujours pas au palais du bord de mer est une raison de perdre cette soif d’alternance, de perdre leurs convictions et de composer avec le diable.
Les justes combats sont parsemés d’embûches, mais parviennent toujours à leur fin par la force des convictions. C’est une loi divine. « Long et difficile est le chemin qui vient des ténèbres et qui aboutit à la lumière ». Milton.