Annoncée comme l’année de la reprise économique, l’année 2021 pourrait réserver de bien mauvaises surprises à l’équipe gouvernementale dirigée par Rose Christiane Ossouka Raponda. Un bilan trimestriel montre que l’actuelle architecture gouvernementale n’a pas à son actif des réformes économiques, sociales et politiques inédites à revendiquer. Visiblement, la dame n’a pas l’étoffe qui faut pour être à la Primature. Bilan catastrophique, crédibilité zéro !
Ali Bongo, lors de son discours de bonne année, nous avait certifié que ses ministres seront désormais évalués par les citoyens. Pour cela, ces derniers devaient se soumettre chaque trimestre aux questions des citoyens et, par conséquent, rendre compte du suivi-évaluation de leurs dossiers, des projets fixés et des résultats déjà obtenus. Le week-end dernier étant le week-end de Pâques, nous nous sommes dit que c’est ce week-end que Rose Christiane Ossouka Raponda, en sa qualité de chef du gouvernement, donc patronne des ministres, allait enfin ouvrir le bal. Nous avons été déçus d’apprendre de son service de com’ que cela n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui fait ainsi passer Ali Bongo pour un menteur, pour quelqu’un qui parle comme ça ou qui parle pour parler sans que cela ne soit suivi d’acte. Nous avons décidé d’essayer de dresser un bilan trimestriel non exhaustif de l’équipe des amateurs Rose Christiane Ossouka Raponda, qui risque de ne pas voir le mois de juin.
Au plan économique
Le Gabon sort de l’année 2020 avec une croissance faible (-1 %). C’est dire que l’économie a fortement régressé, pour ne pas dire qu’elle est par terre comme les autres secteurs du pays et ce n’est pas Ossouka et ses hommes qui pourront la relever. En français facile, l’économie gabonaise n’a presque pas produit grand-chose. Pire, elle crée plus de chômage qu’autre chose. En annonçant tambour battant la mise en place d’un nouveau plan d’ajustement structurel avec le FMI (surnommé Plan d’accélération de la transformation ou PAT), Rose Christiane Ossouka Raponda ne s’est probablement pas trompée ni n’a abusé au regard du contexte actuel. Mais, trois mois plus tard, peut-on déjà percevoir les débuts d’une relance économique, mieux d’une « accélération » de celle-ci ? Rien n’est moins sûr. En effet, de janvier à mars 2021, le gouvernement n’a pas été capable d’obtenir un financement important pour lancer les feuilles de route élaborées par les task force conformément au PAT 2021-2023. Résultat économique trimestriel : le pays, sous la gouvernance d’Ossouka, est toujours embourbé dans la crise économique sans solution perceptible sur le terrain (aides massives aux entreprises, lancement des projets structurants du PAT dans les secteurs industriel, de l’agriculture, des services et des mines), l’importation est toujours à la traine (bois…), les agences de notation alertent et tiennent mordicus sur une cessation de paiement du Gabon à court terme (risque de retard ou non-paiement des salaires des fonctionnaires, etc.). Le chômage est toujours en forte hausse d’un mois à l’autre, faute de commande publique (travaux, infrastructures routières, etc.) et des mesures anti-Covid-19 (fermeture du secteur touristique, limitation des transports…). Les annonces telles que la création d’une nouvelle zone économique spéciale dans le Moyen-Ogooué (Ikolo), l’atelier de reformulation du projet Graine, la mise en place récente d’un conseil national de suivi et d’exécution du PAT…, entre autres, ne peuvent guère donner un crédit au bilan économique trimestriel du gouvernement actuel. De plus, en matière de travaux publics et de l’assainissement du territoire, les chantiers annoncés dans le Grand Libreville avancent à pas de tortue bien qu’ayant débuté depuis janvier 2021. Idem en ce qui concerne « La Transgabonaise » dont elle avait lancé les travaux le 25 septembre 2020. Les travaux auraient dû déjà s’accélérer visiblement en priorité sur le tronçon PK 50 – PK 75, puis sur le tronçon PK 75 – PK 105 et enfin sur l’axe PK 24 – PK 50. Mais ceux qui ont voyagé pour l’intérieur en voiture au cours de ces trois derniers mois (janvier à mars 2021) ont pu remarquer que la route continue à se dégrader.
Au plan social
Le premier trimestre se termine par deux grands constats : la crise dans les régies financières et le blocage par le gouvernement des régularisations des situations administratives. Des constats effectués par les syndicats des administrations. Le climat social administratif est donc délétère. Mais au plan global, la situation socio-économique des Gabonais est très difficile. Les Gabonais sont abandonnés à eux-mêmes. La CNAMGS a cessé d’immatriculer les Gabonais économiquement faibles (Gef) confrontés à la maladie et autres affections difficiles. Les hôpitaux, apeurés par la Covid-19, ne prennent plus en charge toutes les populations à telle enseigne que les autres maladies ordinaires ne sont presque plus prises en charge et des services dédiés à certaines maladies sont suspendus, car leurs personnels sont « réquisitionnés » dans les unités anti-Covid-19.
En matière d’action sociale et de lutte contre la précarité, les couches vulnérables ne bénéficient d’aucun soutien de l’Etat comme prévu par les textes. On a donc 30 à 60 % des foyers gabonais dont les chefs sont sans travail et sans petits revenus. Ils tirent le diable par la queue pour survivre. Le coût de la vie ou le panier de la ménagère sont toujours bloqués. Les prix des produits de première nécessité auraient pu chuter, sous pression du gouvernement et en échange d’allège fiscal, pour permettre aux foyers gabonais de mieux vivre. Le malaise social ou le mal vivre frappent 60 à 80 % des familles gabonaises actuellement. Conséquence de cela, une étude internationale, commanditée par l’Onu, vient de publier un rapport dans lequel le Gabon a de nouveau perdu 8 places dans le classement des pays le plus heureux du monde. Actuellement, on vit plus mal au Gabon qu’au Congo (83è) de Denis Sassou Nguesso, qu’en Côte d’Ivoire (85è), qu’au Cameroun (91è), qu’au Sénégal (92è), qu’au Ghana (95è) et même qu’au Niger (96è).
Au plan politique
Si, au plan diplomatique, on a pu voir Rose Christiane Ossouka représenter le Gabon en Guinée Equatoriale, en Côte d’Ivoire et en Centrafrique ces dernières semaines, son bilan politique intérieur est squelettique. Le premier trimestre 2021 n’a pas connu une avancée démocratique. L’élection sénatoriale de mars 2021 a confirmé l’hégémonie partisane et clientéliste du PDG à la tête du pays depuis 1967 sans discontinuité. La réforme en cours du code civile révèle une fois encore le décalage entre les attentes des populations et des familles et, partant, des femmes gabonaises avec les réponses qu’envoie ce gouvernement. La destruction de l’équilibre familial est l’objet véritable de cette révision. De plus, le maintien en prison de Bertrand Zibi Abegue confirme l’absence d’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir exécutif (de la politique).
D’autres prisonniers politiques attendent depuis des années d’être fixés sur leur sort : Kelly Ondo et compagnie, Brice Larruche Alihanga. Les promesses faites par Ossouka Raponda à l’ambassadrice de l’Union européenne en décembre 2020 ne sont restées que des paroles en l’air, à quelques rares exceptions de cas.
La gouvernance du Gabon par Ossouka Raponda est donc bien loin d’apporter (encore) satisfaction aux Gabonais. On comprend donc pourquoi le vœu pieux d’Ali Bongo de voir son gouvernement venir défendre fièrement son bilan trimestriel à la RTPDG, pardon Gabon 1ère, est restée lettre morte. Heureusement que les Gabonais sont habitués à voir les différents gouvernements faire passer Ali Bongo pour un menteur.