Sur la trentaine d’organismes publics personnalisés créés vaille que vaille par l’émergence entre 2010 et 2017, à peine quelques-uns ont été supprimés ou fusionnés, alors que les plus budgétivores ont été soigneusement mis à l’écart pour continuer à grever le budget de l’Etat dans des projets utopiques et chimériques.
En prenant le pouvoir par la force et dans le sang en 2009, Boa et sa bande de copains et coquins avaient voulu tenir l’administration en laisse pour mieux contrôler tout et s’en mettre plein les poches. Alors que la réforme de l’administration exigeait une vraie démarche, Boa a plutôt décidé de la liquider en créant, comme un effet de mode, une trentaine d’organismes personnalisés ou agences échappant, pour la plupart des cas, au contrôle parlementaire (budget, performance) et hors d’atteinte en cas de détournement parce que placés sous la tutelle de la présidence de la République. Du jamais vu au Gabon depuis 1960 ! Avec la crise financière de 2015 et surtout les récentes pressions du FMI, Boa a avoué, à demi-mot, l’échec de sa propre gouvernance : remise en cause de la Budgétisation par objectif de programme (Bop) qui a fait perdre des milliards à l’Etat pour sa mise en place, chasse aux sorcières dénommée « opération mamba » visant certains de ses complices qui ont trop bouffé (Ngambia, Ngoubou, Wada, Okologo…) et maintenant la suppression des agences.
Un audit teinté d’incompétence manifeste et de laxisme vulgaire
Le 29 juin 2018, Boa ordonne, en plein Conseil des ministres, de supprimer de moitié le nombre des agences. En réalité, plus de 30 organismes personnalisés ou agences ont vu le jour ou été restructurés à sa manière depuis 2010 dans tous les ministères. Un vrai effet de mode. Le 18 octobre 2018, un mystérieux comité de pilotage et de rationalisation des services publics personnalisés avait rendu un rapport au détour du partage des per diem. Un rapport de quelques pages presque vides puisqu’à part l’énumération des agences par ministère, aucune analyse en termes d’audit approfondi ne ressort de leur fameux rapport. Quels sont les budgets que ces agences ont gérés depuis leur création ? A quels résultats par secteur (infrastructures, agriculture, industrie, santé, etc.) est-on parvenu ? Quelles sont les recommandations, agence par agence, en termes de suppression, de fusion ou de redéploiement ? Quels sont les économies budgétaires réalisables selon les schémas possibles soumis à la décision du décideur public ? Quelle forme doit avoir la nouvelle architecture des ministères concernés ? Quid des contrats en cours et des personnels ? Rien. Des questions pourtant logiques qu’un tel comité, si seulement il était sérieux, aurait dû aborder avec technicité. Des amis commis à faire du plagiat et du verbiage sur Word et lourdement payés (per diem) à des millions de Fcfa pour un travail digne de cancres.
Le tout parce que ceux qui ont commis la tâche à ce comité de copains (Régis Immongault, Jean Fidèle Otandault, Ali Akbar Onanga, Ali Bongo Ondimba et consorts) ont eux-mêmes des intérêts personnels dans ces agences et autres établissements personnalisés les plus querellés. C’est le cas de l’Agence nationale des grands travaux d’infrastructure (ANGTI), l’Agence nationale de gestion et d’exploitation des infrastructures sportives et culturelles (Anageisc), l’Agence nationale de promotion des investissements (Anpi), l’Agence nationale d’investigation financière (Anif), la Société de patrimoine et de service public (ANPSP, secteur eau), l’Agence de régulation des télécommunications (Artel), l’Agence nationale des infrastructures et des fréquences (Aninf), la Société nationale immobilière (SNI), la Caisse de dépôt et consignation (CDC), la Société nationale des hydrocarbures (Gabon Oil Company), le Fonds d’investissement stratégique (FGIS ou fonds souverain gabonais), la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS), le Conseil gabonais des chargeurs (CGC), l’Office des ports et rades du Gabon (Oprag), la direction générale de la Caisse de stabilisation et de péréquation (Caisse cacao/pétrole), l’Agence gabonaise du tourisme (Agatour), etc. Il s’agit, en réalité, des établissements publics dont le mode de gestion est opaque et proche des crimes économiques dans ce pays plutôt qu’une volonté de garantir l’intérêt général et le service public pour le développement du pays. Des établissements publics qui bénéficient de largesses (domaine public (terrains), prérogatives de puissances publiques (police administrative), de budgets en milliards de Fcfa et même des subventions publiques, mais dont les dirigeants brillent par des détournements, l’irrespect de la hiérarchie quand ils ne sont pas complices de détournement avec eux (PCA et ministres de tutelle), le mépris des agents, l’incompétence chronique à comprendre le cœur de métier des structures à la tête desquelles ils sont parachutés soit en vertu de leur affiliation maçonnique, soit en vertu de leur acte de naissance (G2) ou parfois de leur relation (clientélisme associatif ou politique). Des structures qui sont réparties par affinités tribalistes et gérées comme des épiceries de quartier, sans respect des normes administratives et de la comptabilité publique. En effet, elles ont à leur tête les protégés de Boa lui-même et des autres hauts dignitaires de la junte. Comment des hauts cadres de l’administration ont-ils pu rédiger un rapport vide de toute substance, faire un audit qui doit avoir une lecture sérieuse et panoramique du champ de l’action publique et proposer, même en cas de maintien, des mesures de redressement de toutes ces sociétés et établissements publics qui peinent à remplir leurs missions ? C’est le cas de la Banque gabonaise de développement (BGD) qui vient d’être fermée parce que le gouvernement a menti pendant longtemps sur la crise et l’ampleur des détournements et donc des déficits de cette banque nationale. Or, la BGD est identiquement à l’image de toutes ces autres agences qui servent à créer des emplois à des clientèles partisanes, à siphonner de l’argent pour financer les campagnes électorales du PDG, les voyages et dépenses des ministres et du cabinet du président de la République ou du PM. Des sociétés et établissements publics dont la compétence technocratique des dirigeants est toujours attendue des mois et années après leur nomination ; des sociétés et agences dont les apports en termes de retombées positives sur le budget de l’Etat (versement des recettes) et du développement du pays (infrastructures, tourisme, agriculture, logements réalisés, etc.) restent critiques à établir à ce jour. Mais ces mastodontes ont été savamment épargnés par les fausses mesures du 16 novembre dernier.
Vive l’Etat Bongo-PDG !